Shiva Baby

C’est l’histoire d’une jeune femme en manque d’ambition qui jusqu’ici maintenait les bribes de sa vie en place (son sugar daddy, son ex, ses parents) mais qui finit par s’écrouler quand ceux-ci s’empilent sur elle dans la même maison, au cours de la même journée.

C’est un film qui veut montrer que les interactions sociales peuvent vite se transformer en champ de bataille et que la crise existentielle n’est jamais très loin, même si l’on croit avoir sa vie à peu près en main.

C’est un film plein de problèmes.

Déjà, la mise en scène est foutraque. Il pourrait s’agir d’un choix relatif à la nervosité du personnage, mais même dans les moments les plus calmes, on se rend compte à quel point le découpage part dans tous les sens et qu’on a souvent affaire à de multiples prises, capturées de différents angles et tricotées ensemble. Plutôt qu’offrir au film une hystérie de tous les instants, j’ai surtout l’impression que ça lui donne un aspect rapiécé.

Ainsi, on bute sur certains raccord parce que le dialogue ne correspond pas au mouvement de la bouche, ou parce que le personnage a la tête tournée de l’autre côté, ou se trouve positionné ailleurs dans l’espace, ou parce qu’un plan large surgit de nulle part pour servir de rustine. Et encore une fois, je pense que ce montage chahuté trahit plus un tournage rapide qu’une volonté de faire monter la tension.

À propos de la tension, à ce niveau, les effets sont bien menés, mais assez répétitifs. Si c’est à une crise de nerfs en temps réel qu’on doit assister, les mêmes cadrages claustrophobiques, les mêmes cordes stridentes en fond sonore, le même montage très resserré des dialogues, tout ça finit par perdre de son mordant.

On finit par connaître ces effets et leur martelage ne sied pas à un film qui veut déstabiliser et étouffer. On a plutôt l’impression d’assister encore et encore au même échange tendu, qui sera brutalement interrompu par une blessure, un vase cassé, un cri, un café renversé… Tout ça manque cruellement de mouvement, ce qui est rude pour un huis-clos. Mais peut-être, dans un certain sens, peut on mettre ça au bénéfice de claustrophobie.

Il manque cependant un arc, car tout paraît être une succession de mésaventures contre lesquelles Danielle bute. Ce qui, pour être honnête, est un reflet fidèle de la vie, mais en tant que film, l’ensemble paraît monotone et la fin n’offre pas de catharsis ou le sentiment que quelque chose vient de changer pour Danielle, même si elle vient de se confronter à tous ses problèmes en l’espace de quelques heures.

Cette monotonie butte elle-même sur le fond du film. Il a clairement beaucoup à dire sur le fait d’être une jeune femme terrifiée à l’idée de se lancer dans le monde, que commercialiser sa sexualité peut alors offrir un sentiment de contrôle, mais que le poids des traditions et du cercle familial reste trop pesant, et puis que la bisexualité aussi, c’est dur à manoeuvrer… Bref, le film a beaucoup en tête de manière générale, et j’ai un peu l’impression que Seligman a voulu fourrer tout son univers dans le film, ce qui est ambitieux et honorable, mais justement un peu fourre tout.

Toutes ces choses sont ébauchées et passent à travers le filtre esthétique de la crise et du stress, sans vraiment y apporter une forme de réflexion. C’est un cinéma de crise sans issue, sauf quand vient le moment de s’en aller et de boucler le film. Heureusement qu’il ne dure qu’1h15.