Shiva Baby
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le 25 févr. 2022
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Il y a longtemps que je ne m’intéresse plus réellement aux grosses machines hollywoodiennes. Fades, boursoufflées, ne sachant pas se renouveler même quand on leur montre l’exemple à suivre (Mad Max Fury Road au hasard), j’ai délaissé ces machines à fric ultra formatées pour m’intéresser bien plus au cinéma américain à plus petit budget, au cinéma américain indépendant, allant d’excellentes découvertes en excellentes découvertes. Dinner in America (2020), My Old Ass (2024), The Last Stop in Yuma County (2023), The Peanut Butter Falcon (2019), et tout un tas d’autres titres qui ont fait de mon visionnage un excellent moment. A cette courte liste (car il y en a d’autres), j’ajoute aujourd’hui Shiva Baby, premier film d’Emma Seligman, récoltant pas moins de 12 victoires pour 43 nominations dans les divers festivals par lesquels il est passé, notamment salué pour sa mise en scène, son scénario, la performance de son casting, mais aussi pour sa représentation de la bisexualité, du judaïsme ou encore de l’anxiété. Oui, Shiva Baby était un très bon moment. Je remercie Antoine (il se reconnaitra) pour la recommandation.
Shiva Baby est donc un premier film, celui d’Emma Seligman, adapté de son court métrage éponyme sorti deux ans auparavant et qui était son projet de thèse alors qu’elle étudiait le cinéma à New York. La réalisatrice, bisexuelle et juive, s’est inspirée aussi bien de sa propre sexualité que de ce qu’elle avait pu voir dans les différentes cérémonies religieuses auxquelles elle a participé, dans le but de rendre son film le plus réaliste possible, jusque dans les costumes des différents personnages. Film indépendant à petit budget (environ 200000$US), Shiva Baby se déroule en une journée, quasi exclusivement dans un seul lieu, une maison dans laquelle une famille, des voisins et des amis proches sont réunis pour une Shiva, une période de deuil qui suit un décès. Diverses thématiques sont ici clairement abordées, comme cette pression de la perfection, venant souvent des proches, de cette vie toute tracée avec le combo mariage / travail / maison / enfants, mais aussi le conflit culturel entre la religion du personnage central et sa sexualité. La famille est également égratignée, avec une honnêteté entre membres qui est souvent mise à rude épreuve, en particulier lors de ces grandes réunions de famille. Mais il s’agit ici également d’un film sur le passage difficile à l’âge adulte, vu sous un angle inhabituel. La comédie fait quelques observations intelligentes, qui se mélangent parfaitement à l’ambiance particulière du film. L’humour du film fonctionne souvent sur le côté gênant des situations dans lesquelles se trouve le personnage de Danielle, soit parce qu’elle est alpaguée par une tata qu’elle n’a pas vue depuis des lustres et qui lui tape la discussion, soit parce que ses parents, croyant bien faire, la mettent dans une situation inconfortable.
Mais Shiva Baby est aussi un exercice de chaos contrôlé, avec son atmosphère claustrophobique, sorte de crise de panique à l’écran. On a parfois même l’impression que Emma Seligman construit son film comme une bobine horrifique, certes pas effrayante, mais avec un certain suspense qui vous prend et ne vous lâche qu’à la dernière minute. Notre héroïne, aussi ironiques que sont les situations dans lesquelles elle se trouve, est dans une situation sans cesse critique pour elle, avec une dévastation qu’on attend à chaque instant. Il se dégage un côté extrêmement naturel, extrêmement réaliste, car il dépeint un moment de vie somme toute assez classique, une réunion de famille suite à un décès donc, et ce malgré la complexité des relations qu’il peut y avoir entre membres de la même famille, à laquelle on rajoute des amis et des voisins pas avares en commérages et souvent intéressés par les plus petites indiscrétions. Alors oui, on pourra reprocher aux personnages d’être parfois un peu trop stéréotypés, mais qui n’a pas une tata pénible qui pose des questions indiscrètes, qui n’a pas des parents qui mettent la honte et deviennent gênants devant le reste de la famille. Oui, nous pourrions connaitre ces gens sans aucun souci, en partie par ces stéréotypes, mais surtout grâce au casting qui fait réellement un excellent travail, à commencer par Rachel Sennott, qui tient le rôle principal, constamment juste et assez stupéfiante. Avec sa durée de 1h17 génériques compris, Shiva Baby ne parait jamais long, alors qu’il ne s’y passe au final pas grand-chose, une simple réunion de famille où des gens discutent, avec certes une trame de fond mettant deux des personnages dans une situation très inconfortable dont on se demande comment ils vont s’en sortir. Un excellent travail a été effectué au niveau de la musique, en particulier lorsqu’il s’agit de souligner le niveau de stress du personnage central, empêchant tout sentiment de confort de s’installer pour le spectateur. Dommage seulement que cet excès de stress qui monte chez l’héroïne tout du long ne donne pas lieu à une explosion de colère où elle en donnerait pour leur grade aux autres personnages du film.
Intéressante, bien écrite, Shiva Baby est une comédie divertissante et captivante construite comme un film d’horreur. Une bien belle réussite, surtout pour un premier film, pour la jeune réalisatrice Emma Seligman.
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-shiva-baby-de-emma-seligman-2020/
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Créée
le 7 févr. 2025
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