Le cadre libérateur qu’offre Shortbus est à la fois euphorisant, et dévasté par la quête existentielle qu’entreprend tout un chacun, au travers de cette jeunesse déjà adulte, voire ces « adulescents » perdus malgré le monde libertaire dans lequel ils vivent. Shortbus s’avère décomplexé, cru par le biais de son imagerie pornographique sans que cette esthétique ne soit montrée sous un aspect délétère ou glauque.
Au contraire, Shortbus repose son œuvre sur le partage des sens et des idées, le plaisir collectif, l’entre aide psychologique et sexuel. On assiste à un spectacle haut en couleurs, à la fois parodique mais terriblement réel. Les personnages hors normes mis en œuvre par John Cameron Mitchell n’inspirent qu’une empathie profonde de part cette volonté qui les anime pour s’absoudre de leur petit pincement au cœur, d’un certain chaos qui comble leur quotidien. Le sexe leur permet de s’émanciper, de libérer leur esprit mais aussi de dissimuler leur tristesse.
Shortbus est d’une sincérité sans borne, le regard posé par le réalisateur est d’une tendresse inégalable sur cette société lunaire, presque lunatique qui passe du rire aux larmes. C’est la plus grande force de Shortbus, son naturel qui n’a pas froid aux yeux, proche de l’expérimentation et surtout de l’improvisation, qui mélange une fantasmagorie loufoque de Gregg Araki et le trash sexué entre docu/fiction de Larry Clark. Avec sa mise en scène faite un peu l’arrache mais non sans originalité et puissance, cette bande son éclaboussant nos oreilles, ces personnages à fleur de peau, Shortbus est une merveille de cinéma américain indépendant marginal et débarrassé de toute contraire. Les premières minutes du film ne cachent rien, dévoilent sa liberté sexuelle aux yeux de tous, quitte à étourdir devant cette frontalité.
Auto fellation, sadomasochisme, éjaculation, Shortbus ne se donne pas de limites, ne détournent pas les yeux devant ces scènes de sexe qui ne sont pas un simple cache misère pour choquer ou pour faire simplement illusoire. Tous ces personnages se retrouvent alors dans le Shortbus, endroit New yorkais qui les amène dans un environnement sans tabous ni gènes. Marginaux, difformes, gros, grands, hétéros, homos, peu importe, chacun a sa place.
John Cameron Mitchell s’intéresse à la vie sexuelle de ces protagonistes mais aussi à la répercussion que cela a eu sur eux, et sur les causes de leur manque affectif lié à leur enfance, au doute de l’avenir. Shortbus a une identité propre, c’est une ode à la liberté mais aussi à la solidarité, tous ces individus recherchent la jouissance optimale et essaye tout simplement de se comprendre, de voir plus loin que le bout de leur nez pour entrevoir la réelle liberté : celle d’être soi-même, et de trouver un certain apaisement. Un film d'amour véritable et sans concessions.