"´know me, I'm alone"
Avant de vous ouvrir son coeur et sa fleur, "Showgirls" a deux secrets a vous révéler à propos de son personnage principal. Le premier est un subtil jeu de mots. "Nomi Malone" est une danseuse...
le 26 nov. 2016
72 j'aime
21
Je voulais revoir Showgirls, et j'en ai eu l'occasion lors de la nuit Verhoeven organisée à la Cinémathèque.
Le film est tapageur, clinquant, un véritable bijou de vulgarité et de mauvais goût, ça en est jouissif. Mais c'est fait avec un énorme cynisme, un regard cru porté sur les Etats-Unis, dont les vices sont exacerbés dans le contexte de Las Vegas.
Un peu à la façon des Lettres Persanes, il y a une réplique prononcée par un étranger qui est présentée comme comique mais n'en est pas moins pertinente : "Aux USA, tout le monde est gynécologue", dit un Japonais dans une boite de strip-tease.
Showgirls fait un étalage d'horreurs, de beauferies, de personnages over-the-top à la perception de la réalité et des rapports humains complètement déformée, et ça en est hilarant.
Avant la projection, Verhoeven citait une critique qui l'avait traité de néo-nazi pour Starship troopers ; le ridicule de cette remarque semble évident, le film étant une satire qui tourne en dérision ses personnages et leurs univers, à l'aide notamment de cette imagerie nazie.
Mais pourquoi serait-ce si difficile d'avoir le même recul pour Showgirls ?
Tous les personnages sont sales, vicieux, ils se crachent leur venin à la figure avec des répliques qui claquent, d'une vilenie savoureuse. Ceux qui ont un minimum de bonté se retrouvent forcément corrompus ou perdent leur innocence.
L'héroïne, Nomie Malone, est une fille "white trash", qui quand elle ne se montre pas niaise ou excitée par du shopping ou des stars, se révèle être matérialiste et manipulatrice.
Le cinéaste Hollandais nous livre une sorte de parodie de ces récits sur l’American Dream, où une "small-town girl" débarque dans une grande ville avec des rêves plein la tête et une soif de réussir… Sauf qu’ici, elle se fait entuber dès son arrivée, et lorsqu’elle parvient plus tard à gravir les échelons, c’est au prix cher…
Nomi est partie de rien et peu à peu laisse tomber les quelques principes qui lui restent pour se faire une place dans un monde monstrueux, quitte à devenir un monstre elle-même.
Sur scène, les chorégraphies requièrent des danseuses une précision de machines, et en coulisses, elles se comportent entre elles comme des animales. Pas des êtres humains.
Le vocabulaire des dialogues est d’ailleurs soigneusement choisi pour que les femmes soient considérées comme des objets par ceux qui les exploitent : "I can't use you if you can't sell."
Et en même temps, Verhoeven filme de façon à mettre en avant les spectacles ; qui ne sont d'ailleurs pas totalement gratuits et intègrent à chaque fois des éléments de dramaturgie, en rapport avec l'intrigue en cours.
Il y a des boobs, il y a du cul, mais ce qui empêche le film d'être trop complaisant, c'est cette double fonction des séquences de spectacle, de lap-dance, de pole-dance, etc, qui n'existent pas uniquement pour le plaisir lubrique des spectateurs mais pour faire avancer une intrigue qui, justement, pointe du doigt les travers de ce monde de perversion.
Il en va de même concernant cette énergie qui déborde de chaque séquence (et Showgirls dure tout de même plus de 2h !), c'est d'une frénésie qui retranscrit l'outrance de Vegas, et pourtant Verhoeven se sert de ces longs plans aux mouvements de caméras complexes pour en dire long sur les personnages et leurs rapports, juste par leurs positions ou déplacements.
Beaucoup de films de Paul Verhoeven aujourd'hui encensés ont été défoncés à leur sortie, et ont mis du temps avant d'être réhabilités. Combien de temps encore pour Showgirls ?
Je comprends qu'on n'apprécie pas, d'ailleurs je le comprends d'autant mieux maintenant que j'ai revu le film et son abondance de mauvais goût, mais il y a une mauvaise foi qui règne encore dans la plupart des reproches qu'on lui fait. Elizabeth Berkley est loin d'être mauvaise actrice. Le scénario n'est pas moins astucieux que celui de Basic instinct ou RoboCop. Et la réalisation est appliquée.
Bon je parle plus de la forme, mais cet article dit à la perfection tout ce que je pense de Showgirls sur le fond :
http://www.courte-focale.fr/cinema/analyses/showgirls/
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes , Les meilleurs films de Noël, Les films les plus subversifs, Les meilleurs films de Paul Verhoeven et Les meilleurs films sur le pouvoir et l'ambition
Créée
le 7 févr. 2016
Critique lue 685 fois
5 j'aime
D'autres avis sur Showgirls
Avant de vous ouvrir son coeur et sa fleur, "Showgirls" a deux secrets a vous révéler à propos de son personnage principal. Le premier est un subtil jeu de mots. "Nomi Malone" est une danseuse...
le 26 nov. 2016
72 j'aime
21
Vulgos, con, outrancier, clinquant, bordélique, dopé à la provoc' minable, un scénar (ou une idée de scénar) de tonton Joe le beauf Eszterhas ... et pourtant je ne peux pas m'empêcher de surkiffer ce...
Par
le 1 oct. 2010
64 j'aime
6
Revoir Showgirls à la faveur d’une rétrospective intégrale fait du bien à l’un des grands fours de Verhoeven : bien entendu, on est bien loin du chef-d’œuvre, mais tout autant l’est-on de l’étron...
le 25 mai 2016
54 j'aime
1
Du même critique
En dépit de tout le bien que je lisais ou entendais de toutes parts sur la série, c’est suite à la lecture, il y a presque deux ans, de la fameuse lettre totalement élogieuse d’Anthony Hopkins...
Par
le 18 juil. 2015
55 j'aime
61
Spoilers ahead. Je suis du genre à me méfier des séries qui font le buzz ; ce n'est que lorsque l'enthousiasme des débuts retombe et que les avis sont plus variés qu'on peut se faire une meilleure...
Par
le 23 août 2016
54 j'aime
4
"Couche-moi dans le sable et fais jaillir ton pétrole", voilà un titre plutôt "connu", mais si insolite que beaucoup doivent ignorer que ce film existe vraiment. Encore moins nombreux sont ceux qui...
Par
le 22 févr. 2015
51 j'aime
12