Le simple fait que l'un des plus grands cinéastes américains soit associé à l'un des plus prometteurs écrivains de roman policier pouvait mettre l'eau à la bouche. Surtout que Martin Scorsese retrouve pour la quatrième fois Leonardo DiCaprio, son autre acteur fétiche (qui prend d'ailleurs de plus en plus d'accents De Nironiens), tous les deux nous ayant laissé sur un Les Infiltrés de très grande facture.
Et dès les premières minutes, c'est sûr, on sait que Scorsese va nous bluffer une nouvelle fois. Il avance sereinement dans l'intrigue, le tout accompagné d'une photo remarquable (très bon travail du chef opérateur Robert Richardson, qui avait déjà travaillé sur CASINO et Aviator) et d'une direction d'acteurs élégante (pas un cabot à l'horizon, ni un Ashton Kutcher, ouf).
Mais ce n'est qu'un encas par rapport à ce que vas nous montrer Marty par la suite : une maestria visuelle de tous les instants. Il suffit de voir une scène d'exécution filmée en travelling pour se rendre compte du génie technique de ce monstre sacré, un exemple par rapport à tout ce qu'il nous offre : ambiance oppressante, esthétisme soigné, cadrage propres et sans bavure, utilisations habiles de flash-back, effets spéciaux de grande qualité, montage net et astucieux... du très grand art.
Mais Scorsese ne délaisse pas pour autant le scénario et peut facilement se reposer sur une intrigue balisée, même si le travail d'adaptation est à saluer. Le script ne recèle aucune longueur, et peu de temps morts. On est ébloui par la rigueur scénaristique et la construction inspirée des personnages. Scorsese nous entraîne dans un labyrinthe démentiel qui trouvera son issue au bout d'un final... renversant. Une fin qui risque de marquer à jamais le spectateur lambda comme le plus réfractaire aux twists cinématographiques.
Cerise sur le gâteau, Leonardo DiCaprio trouve l'un de ses plus grands rôles. A la fois fiévreux, énigmatique et équivoque, il casse enfin son image Titanic-esque (malgré ses récentes performances). Le reste du casting est à saluer : Mark Ruffalo peut enfin être fier d'avoir un grand film sur son CV, Ben Kingsley est suave, Max Von Sydow toujours aussi charismatique et Michelle Williams... bonne actrice (quoi, c'est bien la fille qui jouait dans Dawson ?).
Et pour les mauvaises langues qui diront que Scorsese a encore une fois réalisé un film de commande, il suffit de bien regarder : toutes les thématiques et obsessions scorsesiennes sont présentes : la culpabilité, le remord, le passé douloureux, et le mal. Le personnage de DiCaprio fait d'ailleurs étrangement écho à celui de Nicolas Cage dans A tombeau ouvert : un halluciné harcelé par ses vieux démons. Des démons qui nous hantent encore en sortant de la salle.