Revoir Shutter Island est, au vu des révélations vers lesquelles il tend, un jeu plaisant, comme ce fut le cas à sa découverte, puisque son visionnage avait été précédé de la lecture du roman de Lehane, d’ailleurs nettement supérieur.


Film de commande, qui ressemble un peu en cela au projet des Nerfs à Vif (et qui, au même titre, sera un des très grands succès de Scorsese), Shutter Island joue avec les codes du genre dans lequel le réalisateur semble prendre un véritable plaisir. Policier retors, le récit ne s’embarrasse pas de subtilité, et peut a priori se le permettre puisqu’il épouse les contours extrême d’une psyché malade : de ce fait, on pourra plonger sans modération dans les effets les plus insistants pour accentuer l’angoisse de cette île / hôpital psychiatrique sur laquelle règne une ambiance paranoïde en perpétuelle ébullition.


Les personnages et les situations s’engoncent un peu dans les clichés, et l’esthétique n’est pas toujours du meilleur goût, surtout dans les séquences de rêves, à grand coup de couleurs saturées et de distorsion. Le jeu entre réalité et fiction, la théorie du complot et ses limites sont tellement conditionnées par le twist final qu’on a le sentiment de perdre une bonne partie du film rivés à un point de vue, servi par une esthétique et une subjectivité un peu putassières.


Scorsese, s’il semble moins à l’aise qu’à son habitude, quelque peu dépassé par tout ce qu’il est techniquement et visuellement possible de faire (comme l’étaient les expérimentations assez douteuses sur la couleur dans Aviator), reprend la main dans quelques séquences, et notamment dans son exploitation de l’architecture. Cette incursion dans les corridors, les escaliers en colimaçon (assez proche de Vertigo) et les bâtisses en pleine tempête conduit à une atmosphère presque expressionniste qui peut fonctionner de temps à autre.


A ce stade de sa filmographie, entre un biopic prévu pour un autre (Aviator, pour Mann), un remake d’un polar de Hong-Kong et une adaptation d’un roman à sensation, on peut craindre de voir Scorsese perdre sa personnalité et ce qui fit la sève de son œuvre. Le retour à un projet très personnel et intime (Hugo Cabret et son hommage au 7ème art) puis de sa fougue virulente (Le loup de Wall Street) dissipent pourtant les craintes et permettent d’attendre la suite de son travail.


(6.5/10)


http://www.senscritique.com/liste/Integrale_Martin_Scorsese/1467032

Sergent_Pepper

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