Shutter Island par Maqroll
Nous voyageons pendant plus de deux heures dans l’immédiat après-guerre des États Unis traumatisés (en pleine « chasse aux sorcières ») et dans le lieu clos étouffant de cette île pénitentiaire réservée aux fous criminels les plus dangereux du pays. Là, via un ferry crasseux, deux « marshals » viennent du continent pour, a priori, élucider une énigme qui paraît insoluble… et qui le restera en fait puisque le sujet du film va très vite se déplacer vers d’autres horizons. Film monumental et ambitieux dont l’histoire est tirée d’un roman à succès, Shutter Island possède un scénario à couper le souffle, dont on peut sortir en étant ébranlé dans nos certitudes les plus absolues. C’est un film terrible dont le sujet plonge au cœur des ressorts humains les plus archaïques et les plus puissants puisqu’il étudie ce phénomène universel qu’est la persécution. Du complot au délire, il n’y a qu’un pas et vice-versa… La fin ne résout rien et aucune piste décisive n’est donnée dans un sens ou un autre à l’issue de ce récit aux multiples rebondissements. Dans cette thématique de la persécution, on voit bien en quoi le problème de la Shoah vient apporter un effet de résonance. Mais, pour être un peu trop présent et appuyé, s’il contribue à universaliser encore plus le propos, il le rend aussi - il faut bien le dire - un peu moins net et un peu moins fort… C’est le seul bémol de ce film courageux, évidemment magnifiquement filmé. Au niveau de l’interprétation, il faut bien sûr retenir la performance de Leonardo DiCaprio, parfait une fois de plus mais aussi celles de Ben Kingsley et de Max von Sydow en médecins équivoques. Cette œuvre, qui marque tout de même un certain tournant dans l’œuvre déjà gigantesque de ce génie qu’est Scorsese, est à voir absolument par tous ceux qui prêtent quelque intérêt à l’étude du psychisme humain.