L'histoire se place en 1954. Edward 'Teddy' Daniels (Leonardo DiCaprio) est un marshall fédéral (policier fédéral). Accompagné d'un collègue, Chuck Aule (Mark Ruffalo), ils se rendent sur Shutter island, une île isolée dans la baie de Boston, où s'élève un hôpital psychiatrique réservé aux malades qui ont commis des crimes particulièrement horribles. Les deux policiers viennent enquêter sur la disparition mystérieuse d'une patiente-détenue, Rachel Solando, incarcérée pour avoir noyé ses trois enfants.
Très vite, on se rend compte que l'histoire est biaisée. Teddy a fait partie des GI qui ont découvert les horreurs du camp nazi de Dachau. Les images qu'il y a vues le hantent toujours. Mais il y a eu un autre drame dans sa vie. Sa femme Dolorès est morte dans l’incendie de leur maison allumé par un pyromane meurtrier du nom d'Andrew Laeddis. La visite dans cet endroit sinistre, qui s'apparente à un camp de concentration, n'est pas faite pour l'aider à retrouver la sérénité.
Au fur et à mesure que le film se développe, des évènements étranges se produisent. Manipulation mentale ou réalité, d'enquêteur venu sur l’île en tant que policier, Teddy perd ses fragiles repères et se retrouve dans le rôle du patient, livré pieds et poings liés à des médecins pour le moins inquiétants. On a l’impression d’être dans un cauchemar où tout peut se passer. Même le spectateur ne sait plus quoi penser : d’abord du côté de Teddy, il glisse insensiblement dans le camp de ceux qui le croient coupable (ou du moins fou) : c'est peut-être bien lui qui aurait assassiné sa femme, Rachel, la meurtrière de leurs trois enfants... Terrible dilemme pour le spectateur qui ne sait plus que penser, qui croire, ni où est la vérité et où est la folie ?
Unité de temps, unité de lieu. Dans ce film, Scorsese fait du Polanski et du meilleur comme on peut le mesurer dans son dernier film, The Ghost Writer. Ses héros sont prisonniers dans un double champ clos : l'île, doublement coupée du monde car c'est le propre des îles, et en outre parce qu'une terrible tempête se déchaîne, empêchant qui que ce soit de rejoindre la terre ferme et l'hôpital psychiatrique, que l'on appelle aussi asile d'aliénés, les "aliénés" étant, par définition "coupés de la société".
Pendant que la tempête s'abat sur Shutter Island, les choses commencent à se déglinguer pour Teddy et son collègue. Sont-ils tombés dans un traquenard ourdi par les services spéciaux dont dépend l'île ? (on est en pleine Guerre froide). Les patients sont-ils les cobayes de médecins déments qui testent de nouvelles techniques sur eux (Max Von Sydow est terrifiant dans le rôle d’un médecin dans lequel Teddy pense reconnaître un ancien nazi mais Ben Kingsley est tout aussi terrifiant en psychiatre soi-disant "humaniste" qui est peut-être encore pire, sous ses airs policés, que son confrère)? Que se passe-t-il dans le bloc C... et pire..., dans le phare désaffecté ?

Mon jugement sur ce film

Difficile de classer ce film dans un genre particulier : c'est certes un policier, puisque nous avons affaire à des policiers et des criminels, mais c'est aussi un thriller. C’est aussi et surtout un film fantastique où les repères des uns et des autres, des personnages, comme des spectateurs, sont comme vus dans une glace déformante.
Shutter island est un film inclassable et terrifiant car, lorsque le générique de fin s'inscrit sur l'écran, on a perdu, comme son héros, toutes les certitudes qu'on croyait avoir au début. Qui est fou ? Qui est sain d'esprit ? Et pire, où est la vérité ? Où est le mensonge et la manipulation ? La mise en scène de Scorsese est terriblement efficace bien que, par moments peut-être, un peu trop grandiloquente et ses ficelles un peu grosses, ce qui est malheureusement un des défauts majeurs du cinéma américain. Quant à la musique de Robbie Robertson, tonitruante et superfétatoire, elle aurait mieux fait de se faire oublier car, en réalité, le moment le plus glaçant du film est bien celui où l'on entend la délicate et envoûtante suite n°3 de Bach dans un salon confortable, avec tapis et cheminée, havre de paix à l'abri de la folie et de la tempête qui règne tout autour, alors que c'est sans doute là que le destin des héros (ou des otages ?) se noue et qu'ils sont le plus en danger.
Je reviens un instant sur le jeu de Leonardo DiCaprio qui, de film en film, me paraît meilleur. Ici, il n'a plus rien à voir avec le môme au visage de bébé joufflu qu'il avait dans Titanic. Dans ce film, il apparaît empâté, son teint est gris, il semble abîmé, vieilli mais il est tout bonnement stupéfiant de justesse, passant de la certitude absolue du début au doute intégral de la fin, il nous ferait presque croire à sa folie au risque de nous y entraîner avec lui. Impressionnant numéro d’acteur auquel on finirait par croire tellement il est bluffant ! J'ai aussi découvert un acteur que je ne connaissais pas encore : Mark Ruffalo qui incarne avec brio l'ami et le collaborateur de Teddy et dont le double visage, par un retournement inattendu de situation, apparaît à la fin.

Mon classement 4,5/5 Un thriller glaçant et parfaitement réussi.

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le 6 déc. 2014

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Roland Comte

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