Avec des si, on mettrait la Suisse en chambre noire et bien des sentiments avec. Une chambre noire qui délivrerait la source commune du paganisme et de la religion, des peurs et de la joie rayonnante. Goretta a trouvé la note juste et elle lui est donné par une fable, remarquable parabole tirée de Ramuz, parabole déclinante du soleil dans le ciel d'hiver et de l'espoir tracé par l'angoisse.
Si le Soleil ne Revenait pas est aussi une galerie de portraits emboîtés les uns sur les autres dans leurs maisons de bois, variations d'une force réaliste et de détails, chacun exprimant une attitude face à une catastrophe prophétisée, écho peut-être d'une guerre lointaine mais néanmoins cernant ce petit village comme un brouillard. Mais le vrai brouillard, pénétrant sournoisement presque tous par un talon, ce sont bien les calculs magiques d'un vieillard qui donnent le ton au cor lugubre enveloppant les âmes du village.
Scénario classique qui, bien que centré uniquement sur le récit et les faits, dégage au passage la poésie propre à ces lieux qui entretiennent avec l'astronomie, le temps et les paysages une relation à part, un poésie qui culmine si l'on peut dire dans le final, simple et réjouissant. Pas de personnages principaux sinon le village lui-même dont chaque habitant est une petite vitre. Intérieurs de bois, chauds où l'on se réfugie pour passer de longs hivers et, qui sait, la fin des temps ici annoncée. Au-delà de la prophétie en flash-back, Ramuz pensait-il à la mise en place des fascismes en Europe et autour de la Suisse?
Acteurs parfaits dont Catherine Mouchet en petite soeur Sourire du village et Léotard en père Lugubre sans oublier Charles Vanel en figure tutélaire et le Soleil qui brille par son absence déjà dans un premier plan qui prouve que le montage ne s'établit pas seulement entre les plans adjacents mais avec tous les plans si besoin est.