Très beau film sur la débrouille de trois enfants avec des problèmes d'adulte, laissés seul par l'alcoolisme de leur mère et la mort de leur père. Le cadre est intimiste, et on est très souvent dans la maison familiale avec les enfants, auprès du feu tant qu'il y a du charbon. On voit notamment les enfants jouer à une sorte de Uno avec un paquet de carte en partageant un pot de nouilles instantanées, les petits frères et soeurs rigolant pendant Ulzii, l'aîné, pioche son +12. Cette séance de bonheur fraternel est vite interrompue par l'entrée dans le cadre de la mère, saoule, qui vient gâcher l'amusement et nous rappelle qu'Ulzii doit jouer le rôle de parent pour lui même et sa fraterie. La mère est une menace, un fardeau pour Ulzii qui la traite d'alcoolique et de bonne à rien. Elle disparaît assez vite du cadre, puisqu'elle part à la campagne essayer de gagner de l'argent. La caméra reste elle à la ville, si ce n'est lors d'un rêve d'Ulzii. Les enfants communiqueront avec elle par téléphone, mais on n'entendra jamais la voix de la mère. Les couleurs sont très belles et retranscrivent particulièrement bien la gaieté des enfants dans une ville toute blanche. Les habits sont souvent d'un bleu qui ressort très bien sur le blanc, et la petite soeur d'Ulzi porte une chapka et des moufles roses. Lors d'une séquence, caméra portée, dans laquelle les trois enfants jouent à la déli-délo mongole pour déterminer qui devra aller demander des cartons à brûler dans le prochain magasin, les bras des enfants qui bougent et notamment les mouffles qui volent au vent montrent l'énergie et la positivité de ces enfants adultes seuls dans leur ville froide. A part sa relation avec ses frères et soeurs et celle avec deux amis qu'il voit surtout pour trouver du travail, Ulzii voit aussi une camarade à la patinoire après les cours. La première séquence à la patinoire est particulièrement esthétique, avec les couleurs des manteaux de tous les ados qui se mélangent au blanc bleu de la glace. J'aurais aimé que la relation entre Ulzii et la fille soit plus développée, car elle disparaît au cours du film. D'un autre côté, on semble comprendre que Ulzii n'a plus vraiment le temps pour ça, trop occupé à trouver de l'argent et du bois à brûler par tous les moyens, déçu par sa mère qui ne leur envoie pas. Ulzii a en lui une fierté qui le dessert et l'empêche de demander de l'aide même à son voisin. Il se sent aussi grandement incompris par la plupart des Oulan-Batorais. Quand son prof de physique lui demande ce que font ses parents, il lui répond "Rien qui ressemble à ce que vous faîtes". Quand ce même prof lui demande pourquoi il sèche les cours pour aller travailler dans la forêt, il répond "Vous ne comprendriez pas". Nous, on comprend, car la caméra est toujours avec Ulzii du début à la fin du film. On ne voit sa mère qu'à travers les yeux, et on voit le domicile familial que lorsqu'il s'y trouve. Un choix intéressant mais qui laisse peut-être un peu les frères et soeurs de côté, et amène une petite lassitude vers la fin. Je terminerais en soulignant que le titre est tiré d'une phrase prononcée par le petit frère, moins individualiste que le titre choisi : "Si seulement on pouvait hiberner".