Demi-frère de Nikita Mikaïlkov, camarade d’étude d’Andreï Tarkovski qui l’aide à écrire son premier film « Le Premier Maître », Andreï Konchalovski semble être un réalisateur qui aime les petites classes, dédiant ainsi cette fresque émotionnelle à un village de pauvres loustics, perdus au sein de la Sibérie à travers le XXème siècle. Et à l’instar des autres œuvres du réalisateur Russe, sauf exception, « Sibériade » est bien entendu un film qui s’est laissé oublier, méconnu malgré une réédition, on parle pourtant d’un film dont le postulat de base est assez singulier : filmé pendant près de 5h une éloge au communisme à travers les forets, la vie des hommes et des femmes qui se partagent un territoire reculé.
Divisé en deux parties, « Sibériade » approuve un réalisme poétique d’une rare subtilité. C’est une grandiose immersion dans une nature qui vit sous nos yeux. Le paradoxe étant que le film devait à sa naissance être dédié aux travailleurs du pétrole, ce qui s’accentue à la fin sans pour autant délaisser cette contemplative peinture du temps. Le tout pourrait ressembler à un film d’Andreï Tarkovski, à la manière dont Konchalovski filme les recoins perdus, les datchas… Et il embrasse ce voyage à travers une indéniable sincérité, elle même assez touchante.
Le film semble annoncé le virage, ou plutôt le demi-tour, que son réalisateur, alors mondialement connu, va entreprendre dans les années 80. Car si Konchalovski peut se vanter d’avoir réalisé parmi les plus grands films soviétiques de son temps, il signera ensuite, dans un tout autre registre, « Tango & Cash » avec Sylvester Stallone et plus récemment « Casse Noisette 3D » avec Elle Faning. Ce qui est assez absurde puisque son ambition affichée et la matière épurée de ses premiers films ne le laisse nullement penser.
Alors disons le, « Sibériade » est très loin d’être un film parfait. Bien au contraire, il souffre de sa théâtralité, de son coté boursouflé, et de ses lourdeurs. Surtout durant la dernière partie du film qui est un enchainement d’images spectaculaires qui anéantie à elle seule les efforts si poétiques du reste du film. Mais si son final déçois, cette fresque, non moins épique, approche d’un véritable voyage à l’atmosphère humaniste et embrassée par des séquences envoutantes, le chant de la foret, les personnages archétypaux et centrés dans l’histoire comme une fourmilière aveugle. On s’y croirait presque tellement le lyrisme et le naturel envahissent ces plans quasiment excitants, où le vrai l’emporte.
La poésie des paysages, les cœurs froids qui naviguent sur une route interminable, à travers l’amour et la guerre, les générations se croisent. Un titre calqué sur L’Iliade semblait annoncer la couleur, mais la surprise reste néanmoins présente malgré l’évidence des raccourcis et un final qui tombe à l’eau.