Kristoffer Borgli pose un regard sans pitié sur notre société tournée sur le paraître et la mise en scène de soi-même.
Il s’interroge sur notre quête de reconnaissance individuelle, tant dans la sphère publique, que dans les cercles plus restreints que sont la famille, les amis ou le couple.
L’héroïne de ce drôle de drame vit dans l’ombre d’un plasticien imbu de lui-même, et en mal de reconnaissance. Elle souffre d’être invisible au yeux de son prétentieux compagnon, de ses amies et de sa famille.
Un incident survenu sur son lieu de travail, lui donne l’occasion de penser qu’elle est une héroïne.
Elle tente d’en tirer partie un moment, avant de se rendre compte qu’elle est toujours aussi insignifiante aux yeux des autres.
Mais le chemin est maintenant tracé, et elle décide de se rendre malade, en s’empoisonnant, pour enfin apparaître aux yeux des autres.
Défigurée par les médicaments (d’origine russe), elle devient désormais plus visible aux yeux des autres, mais n’obtient pas pour autant en retour la pitié, l’admiration ou la célébrité qu’elle escomptait.
Kristoffer Borgli profite du scénario pour écorcher la presse, les réseaux sociaux, certains milieux de l’art contemporain, de la mode et de la publicité.
Si le film n’a pas tout à fait la précision de « Snow Therapy » de Ruben Östlund, il s’en approche par la narration, avec pour l’un comme pour l’autre, un événement déclencheur incongru qui fait basculer la suite, et se positionner les protagonistes.
Le film de Borgli - qui peut paraître moins finement ciselé que celui d’Östlund - est cependant très bien monté.
Là où Snow Therapy est dans la retenue, l’élégance et le silence, Sick of Myself est davantage dans l’outrance, avec une photographie efficace, mais moins travaillée.
Le propos reste intelligent et le scénario précis. Et la critique sociétale n’est jamais forcée ni caricaturale.
Le cinéma scandinave a de beaux jours devant lui.