Signe (Kristine kujath Thorp), lassée de voir son compagnon Thomas occuper tout l'espace artistico-médiatique de leur couple, se rêve en icône martyre des réseaux sociaux histoire d'attirer la lumière sur sa personne. Elle va y parvenir au prix d'une auto-destruction corporelle aussi rapide que ragoûtante. Le fameux quart d'heure de gloire d'Andy Warhol n'est qu'une donnée générique. Ici la gloire éphémère s'étend sur une poignée de semaines à l'image d'un sablier mortifère. Sick of myself n'est certainement pas la grande réussite annoncée. Tant d'idées visuelles jetées en pâture au spectateur sans fluidité narrative écornant le Rise & fall par une rugosité de l'enchaînement. Une technique tout en soubresauts (voulue) mais pas forcément payante. Fantasmes de réussite et d'ascendance sur autrui puis mensonges en pagaille, autant de représentations du produit du désir assez grossièrement placardées à l'écran. Néanmoins, il demeure la transformation physique et le discours convergeant vers l'idée de l'anéantissement. Signe consomme ces substances de teintes pastelles comme on gobe des Smarties en une gestuelle presque enfantine. Le temps (toujours) ici diégétique fait son œuvre. Le spectateur s'impatiente de ne pouvoir jouir de l'immédiateté des résultats. L'horreur finit par s'installer se répandant en surface sur les chairs. D'abord en micro zona puis au coeur de l'épiderme du visage gonflant les veines devenues violacées. Le monstre artificiel aimante désormais les sentiments contraires: Signe se nourrit de la fascination et de la pitié du peuple. Peu importe que les sentiments n'aient rien de nobles, seul compte désormais l'accession au trône. Se constituer une personnalité atypique via les réseaux sociaux n'a fondamentalement rien de nouveau. Les crises d'identité du quidam derrière un clavier d'ordinateur sont courantes afin d'engendrer un maximum de vues, nouvelle e-monnaie de l'ère du numérique. Ainsi sont nés, les portraits élitistes, les portraits subversifs, les portraits de self made man, les portraits sportifs, les portraits arrogants, les portraits comiques, d'artistes et les portraits inclusifs... C'est sur ce dernier que le cinéaste Kristoffer Borgli a porté son attention. Un portrait nouveau où les canons de beauté se polarisent sur la laideur. On exploite le freak gainé de nouveaux codes sociaux où "le faible" prendrait enfin le pouvoir. Les grands ordonnateurs (ici l'agence de mannequins inclusive) détenteurs du pouvoir et de la manière de confectionner les rêves du peuple signent un contrat d'immoralité avec Signe qui en connait parfaitement les règles. Il demeure aux entournures, un côté Faustien à ne pas négliger: "Vivre son heure de gloire à fond pour finir exsangue à nouveau au bas de l'échelle. Une certaine idée de l'enfer dépeinte par Borgli où la victime du système, entre deux filets de sang, accède à un shooting photos tant convoité avant de s'écrouler.
Derrière le discours, le corps de Sick of myself se traduit par une certaine cinegenie visuelle. Elle se présente par une esthétique rayonnante dépourvue de la moindre salissure et dont chaque plan traduit un paradis légèrement coloré. Ce vernis artisanal n'est autre que la représentation de la couche de cynisme qui anime les privilégiés. Mais qu'en est-il du citoyen lambda prêt à jouer leurs jeux quitte à sacrifier ce que la nature lui a donnée ?