2017 ne sera pas avare en sorties ciné attendues. Silence en fait bien entendu partie intégrante. La sortie d’un Scorsese, c’est toujours un événement. Très alléchant dans ses bandes annonces par son atmosphère mystique et son casting, on peut dire que Silence a fait grimper la tension jusqu’à sa sortie, où son accueil s’est avéré bien plus mitigé que prévu..
Trente ans pour donner vie à un projet, ce n’est pas rien, surtout lorsqu’on s’appelle Martin Scorsese. Parti ici s’aventurer dans un Japon post-médiéval où l’évangélisation chrétienne se heurte au choc des cultures, le réalisateur tient à nous raconter une histoire comme nous avons peu l’habitude d’en voir. Rapidement, le spectateur ne peut s’empêcher de créer une analogie avec Apocalypse Now, en découvrant la mission des pères Rodrigues (Andrew Garfield) et Garupe (Adam Driver), envoyés à la recherche du père Ferreira, incarné par Liam Neeson, seul, isolé dans un pays lointain, à l’instar du colonel Kurtz dans le film de Coppola.
Tout comme ce dernier, Silence se déroule comme un périple initiatique et mystique aux confins du monde et de la civilisation, où s’entremêlent dangers et désillusions. La comparaison, cependant, s’arrête là, et j’éviterai de tomber dans la facilité en continuant cet article en m’accrochant outre mesure à l’oeuvre de Coppola. Pour traiter son sujet, Martin Scorsese met en scène la violence et l’adoration, à la fois sous la forme d’un drame et d’une satire. La compassion émerge en nous en voyant les japonais évangélisés, sans guide, chassés par leurs pairs, et l’ironie s’incarne à travers Kuchijiro, japonais converti, menant une vie de débauche, loin des valeurs chrétiennes, et faisant appel à la religion pour laver ses méfaits comme s’il prenait une douche après une journée de labeur, demandant l’absolution à tout va, comme une volonté de montrer les limites de la capacité des pères à pardonner les pécheurs.
Par ailleurs, la foi des pères Garupe et Rodrigues est elle-même mise à rude épreuve, face à l’incapacité des japonais convertis de se défendre et face à leur ferveur. De même, c’est sur un terrain hostile à leur religion que les pères s’aventurent, et ils se retrouvent ainsi confrontés à des philosophies autres, les questionnant eux-même sur la nature de leur foi et sur son universalité. C’est le personnage du père Ferreira qui créera, finalement, le lien entre ces cultures si différentes, chaînon manquant au cœur d’un choc des civilisations.
La thématique de la religion, sa nature, ses limites, est ainsi balayée dans son ensemble pour Martin Scorsese, et il n’y a aucune nécessité d’être une personne religieuse pour regarder ce film. Cependant, celui-ci laisse un certain goût d’inachevé, ou une certaine frustration au sortir de la salle de cinéma. S’étalant sur une durée de 2h45, il se permet des longueurs laissant place à la contemplation et à l’introspection, mais aussi à des répétitions et à certaines incohérences qui posent question et font quelque peu sortir le spectateur du film. Par exemple, les interventions répétées de Kuchijiro, bien qu’ayant un ressort comique et ironique, finissent par lasser et perdent de leur force au fil du film. Par ailleurs, si certains passages parviennent à aller crescendo et à faire émerger de la tension et de l’émotion, ils ne parviennent pas à enchaîner, et repartent de zéro, empêchant ainsi le spectateur d’être tenu en haleine et d’espérer un dénouement en apothéose.
Martin Scorsese ne rate pas ici forcément le coche, mais parvient difficilement à fasciner. Bien que proposant une superbe photographie et un très beau casting, mené par le vétéran Liam Neeson et les deux stars montantes Andrew Garfield et Adam Driver, son rythme ne permet pas de suivre avec passion et envie l’intrigue. Dès lors, Silence s’affiche davantage comme un exposé décrivant avec maîtrise son sujet, confrontant les philosophies, pesant les pour et les contre, mais peine à marquer et à s’imposer comme une oeuvre cinématographique majeure.