Je suis allé voir ce film un peu contraint par un pote (qui m'a convaincu en me payant ma place, big up à lui), et surtout avec une espèce d'indifférence pour Scorsese en général. Oui, il a fait de très bons films, mais qui ne m'ont jamais plus transporté que ça (notamment son dernier en date, le Loup de Wall Street). J'ai toujours trouvé les plans de Scorsese très -trop- pro, trop symétrique, sans réel fond. Mais pas -toujours- Silence.
En bref, deux prêtres Portugais partent au Japon afin de retrouver un autre prêtre, père Ferreira, parti 7 ans auparavant (en 1633) évangéliser le pays, et dont ils restent sans nouvelles. En effet, une Inquisition est mise en place au Japon et les quelques paysans convertis sans contraints de s'apostasier ou de mourir.
Il y a un réel travail dans la manière de filmer les paysages et les hommes dans ceux-ci, une approche très asiatique dans les plans, qui donnent vraiment corps à la nature et permettent de donner une âme au personnage qui est finalement le plus important, comme l'explique Inoue-Sama à Rodrigues, à savoir le Japon. Scorsese a ainsi pu structurer son film par ses plans, qui sont comme les vertèbres de la colonne vertébrale qu'est Silence.
Pourtant, il conserve cette manière très américaine de filmer les personnages en action, ou en train de dialoguer. C'est un des reproches que je ferais au film, c'est de n'avoir s'être enfoncé assez profondément dans des choix cinématographiques : on alterne donc entre des plans contemplatifs à l'asiatique, mais souvent trop courts pour leur donner une signification complète, et une sorte de convention cinématographique américaine (notamment dans la construction de l'histoire, la voix off...)
Quand au contenu du film en lui-même, il est encore trop tôt pour moi d'en saisir le sens global. J'ai beaucoup aimé l'idée du silence, dans lequel on trouve ses réponses (cf. Gojira, Stranded : "The cure is somewhere in the silence, but I'm crushed by the noise inside"), et la transcendance de soi. C'est un film sans doute pour la croyance, peut-être contre la religion. Rodrigues et Ferreira ne trouvent la paix qu'en gardant leur foi pour eux-mêmes, hors des "formalités" comme les appellent les Inquisiteurs, à savoir hors des normes religieuses et humaines.
En bref, malgré ses 2h40, pas de moments trop longs, un rythme extrêmement bien maîtrisé, un contexte que je ne connaissais pas du tout (l'évangélisation et la répression du christianisme au Japon du XVIIe siècle), un fétichisme très américain mais que l'on pardonne aisément au vu du travail du fond par la forme, une très bonne surprise.