La religion a toujours été au cœur du cinéma de Scorsese, et ce dès son premier film Who's That Knocking at my Door, que ce soit directement ou non. Ici il se lance dans un ambitieux projet (qu'il avait en tête depuis longtemps), celui de raconter le périples de deux prêtres jésuites qui se rendent au Japon pour retrouver leur mentor disparu.
Si je ne cache aucunement ma passion pour le cinéma de Scorsese, il m'a parfois un peu déçu et si Silence me faisait un peu peur, c'est quand même avec une immense (voire démesurée) attente que je me lançais dans sa vision.
Adaptation du roman de Shūsaku Endō déjà mis en scène en 1971 par Masahiro Shinoda, Silence surprend, d'abord dans le projet et l'ambition puis ensuite à la vue du film. Scorsese nous immerge au plus près des deux protagonistes dans un Japon alors en guerre contre les chrétiens, faisant ressentir dès les premières secondes le lourd fardeau apparaissant sur leurs épaules, ainsi que le danger dans lequel ils sont, tout comme les japonais se réfugiant dans cette religion mais devant se cacher, risquant de mourir s'ils n'abandonnent pas cette foi.
L'oeuvre continue de surprendre plus on avance dans le récit, Scorsese rendant les enjeux intrigants et les personnages intéressants, voire même attachants. L'ambition est grande, néanmoins le metteur en scène des Affranchis se perd parfois dans ce sujet trop imposant, ayant tendance à un peu trop insister sur le message envoyé (il évite néanmoins tout manichéisme) et signant une seconde partie plus froide, plus lente et moins prenante.
On ressent les sensations des personnages, et notamment la peur, l'espoir et les doutes, tandis que Scorsese propose une réelle réflexion sur la foi, bénéficiant d'une profonde qualité d'écriture. Il s'intéresse aux droits d'exercer ses croyances ainsi qu'aux horreurs faites au nom de Dieu, et ce qu'importe la religion, ce qui résonne fortement aux vus des actualités, tandis qu'il montre aussi comment on peut casser et détruire un homme ainsi que ses convictions, avec la souffrance morale et physique qui vont avec. Le contexte historique est aussi bien exploité et vraiment intéressant, ne rendant que l'oeuvre plus immersive.
Rarement contemplatif, le cinéaste nous fait quand même profiter des sublimes paysages, notamment en bord de mer, sublimés par une très belle photographie. Il se montre assez austère, marquant une nette cassure avec ses œuvres précédentes et notamment Le Loup de Wall Street, mais il maîtrise plutôt bien cet aspect-là. Il propose une certaine tension lors de quelques moments clés, même s'il manque cruellement à d'autres endroits, notamment dans la seconde partie, tandis qu'il dirige plutôt bien ses comédiens, notamment ceux asiatiques et un très bon Andrew Garfield (alors qu'Adam Driver est un peu sous-exploité).
Martin Scorsese propose avec Silence une oeuvre difficile d'accès et non sans faille mais réellement profonde et intéressante, notamment lorsqu'il s'intéresse au contexte historique et à l'humain à travers la religion.