Silence dorée et paroles argentées : Le combat continue


J'ai essayé, non pas tellement de raconter un Dieu-Père, image qui a tendance à caractériser le christianisme, mais plutôt de représenter l'aspect maternel et bienveillant de Dieu révélé dans la personne de Jésus.



Shūsaku Endō, auteur du livre Silence



Attention, critique très longue avec beaucoup de spoilers !


Voici le film de tous les débats ses temps-ci. Remake du film de Masahiro Shinoda (à qui l'on doit les enfants de Mac Arthur), ce film dont Martin Scorsese a mis 20 ans à le concrétiser ne laisse pas indifférent. Il a eu des réaction diverse : les uns décrétant qu'il s'agit d'un excellent film, et d'autres décrétant que c'est un film surestimé et pro chrétien. Moi je pense qu'on est en face d'un très bon Scorsese, mais qui ne va pas plaire à tout le monde au vu du point de vue de l'auteur qui pourrait être déformé.



Silence ! On tourne !



Oui j'étais obligé de faire la blague mais on va parler musique. Ou plutôt de la place du son. Le film, à l'exception d'un seul et unique plan possède un silence de mort. Il n'y a pas une once de musique (composé par Howard Shore, oui le Howard Shore...même si sa dernière prestation n'était pas mémorable. Oui il était le compositeur de l'oscarisé Spotlight). L'utilisation de l'absence de musique est omniprésente et le réalisateur ne laisse que les bruits naturels s'exprimés à la place. Bien sûr ce sont les moments de purs silences que le film prend tout son ampleur. Mais on y reviendra sur cette partie. La réalisation en elle même est superbement bien fait avec pas mal de plans iconiques. En tout cas 2 plans iconiques. C'est assez intéressant de remarquer le style du réalisateur dans une absence de musique : On a l'entrée en matière temporelle (ici on a le flash-back), la route vers la quête des personnages, la remise en question des certitudes, sa descente aux enfers etc (note pour moi même, voir le Loup de Wall Street. Les plans sont superbement bien fait et le cadres donnent beaucoup de force. Et dans un commentaire, j'avais décidé de démontrer pourquoi le film de 2h43 ne doit pas être critiquer par sa longueur. Déjà pourquoi trouve-t-on un film long et ennuyant ?Tout simplement parce que le film a un moment ou un autre possède des scènes qui sont pesantes ou traîne en longueur. Cela vient du faite que le film possède des problèmes de rythmes et n'arrive pas à capter l'attention. Ici, c'est tout l'inverse. Chaque scène est bien posée et intéressante, ou puissante. Même la construction est intelligente avec une introduction narré par Ferreira, la majeur partie narrée par Rodrigues et la fin narré par un marchand néerlandais. Mais par dessus tout ce sont les personnages exploités un peu comme ils devraient être exploités.



Calvaire au pays du soleil levant



Déjà on va parler du père Sebastião Rodrigues. Il est joué par Andrew Garfield qui ne cesse d'étonner de film en film. Il s'agit d'un prêtre très sûr de ses convictions et qui n'a que pour but de retrouver le père Ferreira. Le film est centré sûr lui, c'est à travers ses yeux que nous découvrons le Japon et les persécutions qui ont eu lieu durant le XVIIe siècle (on va y revenir sur cette date). Tout le film marque la déconstruction du personnage en passant de sa détermination et de sa dévotion naturelle à son combat face aux débats d'idées contre l'inquisiteur. Mais le film met aussi en valeur l'aspect psychologique du personnage, ses pertes de repères et ses luttes afin de ne pas basculer dans la folie. Et c'est là sur quoi le film insisté le plus. Les moments les plus forts sont les moments où il est le plus vulnérable, à 2 doigts de devenir fou. Bizarrement, c'est à ses moments où il voit le visage de Jésus à travers lui. D'où cette question : le voit-il réellement ou croit-il le voir ? L'entend-il vraiment ou le croit-il l'entendre ? A-t-il vraiment perdu la foi à la fin ou a-t-il fait semblant de perdre la foi ?


Autre personnage d'importance : Cristóvão Ferreira joué par Liam Neeson. Enfin un rôle de composition cela fait longtemps ! Ces derniers temps, on le voyait que sur Taken et des Taken Like ! Il n'apparaît peu mais ses apparitions sont importantes. Il est le but du père Rodrigues et son mentor. En un sens, c'est l'un des derniers ancres qui le rattache à ses convictions mais là aussi on va y revenir.


Francisco Garupe (Adam Driver qu'on voit beaucoup ses temps -ci) est un prêtre très différent que Rodrigues. Il semble moins sûr de lui et plus friable et méfiant. Cela dit, il a toujours la même détermination que Rodrigues. Je trouve qu'il aurait pu être plus exploité mais étant donné que l'histoire est focalisé sur Rodrigues, c'était inévitable.


Kichijiro (Yōsuke Kubozuka). Bon c'est inévitable qu'on en parle de ce personnage. Il tient à la fois de Pierre et de Judas des évangiles. Toujours à vouloir pardonner mais ayant peur de mourir donc prompt à dénoncer et apostasier (j'ai appris un nouveau mot tiens). Il est difficile de le prendre en pitié mais c'est le but. Il nous représente en quelque sorte; nous quand nous avons des convictions et qu'on ne peut pas s'y tenir (et pas que de manière religieuse). Il est paradoxalement le plus humains et le moins humains. Là où ça devient malin, c'est qu'on ne voit pas comment , les hommes de l'inquisiteurs fond pour le faire plier , on le voit grâce à la première scène mais après non. On voit qu'il n'a aucun remord à apostasier mais on ne connaît pas les circonstances qu'ils l'ont fait plier. Peut-être ment-il pour sauver son honneur ! Même les fidèles qui le connaissent ont peu confiance en lui c'est dire. Rodrigues est la seule personne qu'il a toujours suivi dans le film.


Inoue Masashige l'inquisiteur (Issei Ogata) est un personnage important. Il est rusé et il possède le poids et l'influence qu'il faut. C'est un homme dangereux dans tous les sens du terme et ne voyant que le mal dans l'évangélisation et les actions des prêtres au Japon. Il ne voit que l'aspect négative et une tentative d'intrusion des occidentaux dans le Japon. Détail qui a son importance, c'est un bon stratège capable de voir les faiblesses envers ses prisonniers et donc de Rodrigues. Il sait que ce dernier ne va pas apostasier même sous la torture. Mais ce qu'il inflige est pire. Il le rend témoin du martyr des autres. Le seul bémol est qu'on ne sait pas précisément ce qu'il devient à la fin; en effet il est plus âgé que Rodrigues et semble moins avenant avec ses compatriotes. donc peut-être qu'il est mort mais on ne nous précise pas.


Autre personnage important, l’interprète joué par Tadanobu Asano. Oui le charismatique guerrier du Zatoichi de Takeshi Kitano (et aussi Hogun le Sinistre de la saga Thor de Marvel). Il a un rôle très ambiguë dans le film à tel point qu'on ne sait pas de quel coté il est ni ses objectifs. Et en même temps, c'est le but, car il est aussi la figure du peuple. Il est lui aussi fidèle à ses convictions mais ne semble pas hostile à Rodrigues.


Les autres ne sont pas importants donc on va passer rapidement. Cependant, parmi les hommes du village Tanagushi, on a Ichizo interprété par Yoshi Oida (oui l'acteur qu'on a vu dans Taxi 2 et Wasabi !), Mikishi (Shinya Tsukamoto ) dont sa mort est l'une des plus marquantes du film, ainsi que Monica (Nana Komatsu) et Juan (Ryō Kase) que Rodrigues rencontrera dans sa captivité.



Dialogue de sourd ?



L'histoire n'est pas un Rise And Fall, mais un Fall tout court. En effet, Rodrigues entame son calvaire dès le départ avec son envoi avec Garupe par Alessandro Valignano (Ciarán Hinds qui sera ... le méchant de Justice League ?). Tout dans l'histoire s'articule autour de ça et pas que de manière visuelle. La narration centrée sur Rodrigues montre d'une part la prise de conscience de la foi des habitant de Tanagashi et le fait qu'ils soient témoins de cette foi, mais aussi de l'impuissance des prêtres face aux persécutions. Et là je vais devoir spoiler


Le premier signe de la chute vient d'une part lors de leur séparation. En effet, ensemble ils pouvaient être fort mais séparer, ils n'ont plus la même force de porter le fardeau. Le 2e signe n'est pas dans la capture en soit, mais dans la torture psychologique de Rodrigues. Il est encore plus témoin de l'apostat des fidèles qu'il côtoie en prison et pire de leur mort violente (on voit une décapitation) .Et pas que des fidèles, la mort de Garupe est une épreuve terrible. Le 3e signe étant les retrouvailles avec le père Ferreira, qui a renoncé à sa foi, est marié (mais on ne voit pas sa femme) et qui étudie le savoir japonais. Ce dernier lui fera perdre ses derniers ancres qui le rattachaient à ses convictions puis vint le silence où il entend la voix de Jésus lui disant que ce n'était pas si grâve


Au niveau de la narration, la majeur partie est narrée par Rodrigues et la fin par Dieter Abish (pas sûr de l'orthographe) qui marque un peu l'état d'esprit de la fin. Cette histoire montre un peu le fait qu'aucun des camps n'ont réussi à trouver un point d'entente, alors que le catholicisme et le bouddhisme ont bien plus en commun. Ce qui est paradoxal. Du coup on a débat qui ne mène à rien et perdu d'avance pour Rodrigues. Ensuite, il y a plusieurs points que je trouve non exploiter dans le film.
Premièrement, si on voit les coutumes japonaises, surtout dans la deuxième partie (je ne parlerai pas du dédain des prêtres bouddhistes car aucun intérêt), à aucun moment Ferreira ne cherche à montrer les savoir issu du Japon , ni même sa femme (d'autant qu'il est mort hors champ). Bien sûr, il montre en quoi ils croient et essaye de convaincre que les martyrs ne sont pas morts pour Jésus mais pour Rodrigues, mais on ne le sent pas convaincu et même dans l'histoire on ne voit à aucun moment Rodrigues vraiment s'intégrer


et quand je dis s'intégrer, je dis suivre les coutumes et vraiment voir le savoir vanter par Ferreira. Mieux encore, on ne voit sa femme que 2 fois, mais on ne voit pas de relations entre eux. En revanche, on peut supposer que leur vie a été tranquille et qu'elle a sans doute été convertie en secret (c'est une supposition)


Ce qui est à mon sens assez fort. Tout le film c'est ça : jusqu'au dernier plan Rodrigues n'a pas renoncé, même s'il a essayé de s'en convaincre et que la victoire de l'inquisiteur sur lui était illusoire à défaut d'être éphémère.


Mais en parlant de l'inquisiteur, je pense qu'il a un point qu'il aurait pu soulever contre Rodrigues et qui n'a jamais mis dans leur dialogue. Mais d'un autre coté je pense qu'il était au courant. Et là on va y revenir à la période : XVIIe siècle. C'est à peu près 100 ans avant la fin de l'inquisition en Europe. Et oui, l’Europe aussi , en particulier l'Espagne était en plein dans l'inquisition et la réforme protestante commençait à émerger. Ce n'est pas rien si les 4 pays qu'il nomme sont l'Espagne, le Portugal, l'Italie et l'Allemagne. Ce sont les premiers pays colonisateurs (la France est arrivé sur le tard) et commerçants (et aussi où les persécutions étaient les plus virulentes, je dis ça mais je n'ai pas les chiffres, s'il y a des historiens parmi vous les commentaires sont là pour ça). C'est assez étonnant qu'il n'a pas envoyé cet argument (à moins qu'il ne soit pas au courant). Bref, malgré tout, je trouve que l'histoire est assez bien construite et forte et que certains points plus mis de coté sont aussi une volonté de l'auteur.



Le Silence vaut mieux que la parole ?



Bref, ce film est bien plus riche qu'on peut le remarquer de prime abord. Et malgré certains points qui auraient pu être plus mis en avant , il est à voir. Il n'est pas à proprement parler pro-religieux car il va bien au delà de ça. C'est un film sur les convictions et sur le thème du silence mis en avant dans la prière et les évangiles (ranger vos fourches les athées, on est là pour parler cinéma et c'est une interprétation). C'est un sujet assez délicat et le fait qu'il a mis 20 ans à le concrétiser est admirable. Cela me donne envie de voir le film dont il est issu qui semble bien plus explicite sur Rodrigues (regardez l'affiche sur le wiki pour vous en rendre compte)


La critique disponible ici

Créée

le 19 févr. 2017

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Neo Cosmic

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