Silesilence
8.3
Silesilence

Court-métrage de Jacques Perconte (2022)

Au fil des évolutions technologiques, le cinéma semble s'être émancipé de la question de la matière ; qu'à cela ne tienne, les films de Jacques Perconte nous rappellent que, tout comme la pellicule, le numérique peut lui aussi être distordu et altéré. Sorti en 2003, uaoen montrait la lente dégradation d'une vidéo filmée à l’avant d’une voiture jusqu'à devenir un monochrome vert, comme si on assistait à l’oubli d’un souvenir. Mais la compression n’est pas toujours synonyme de destruction, bien au contraire : il suffit de voir le magnifique traitement de la brume dans SileSilence pour s'en convaincre.


Car ce nouveau court-métrage est d’une beauté plastique ahurissante : en jouant du contraste entre déformation hasardeuse de l’image et précision de la haute définition, on regarde le film comme on admire une peinture, en appréciant les détails. Les mouvements de caméra empêchés par le datamoshing s’apparentent à de véritables coups de pinceau. SileSilence adopte néanmoins une narration plus claire qu’à l’accoutumée, accompagnant sa bande-son d’une voix off faisant état d’un monde à bout de souffle, bientôt à l’arrêt. La compression devient alors le reflet de ce dérèglement dû au mépris de la nature, envahissant le ciel pour empêcher les oiseaux de voler en plein milieu d’un paysage industriel.


En renonçant aux représentations convenues et en s'adressant au subconscient du spectateur, SileSilence offre une image ambiguë de l’apocalypse, aussi fascinante que stridente. Le retour au calme de la conclusion sonne comme un avertissement : on retrouve cette vue d’une fenêtre qui introduit le film tandis que le texte de la voix off s’achève. La caméra pivote et l’image se compresse avant de se reconstruire, comme si ce paysage soudainement idyllique était menacé par un danger imminent. Ainsi, cette portion de rue devient les traces d’une humanité à sauvegarder quel qu'en soit le prix ; on envie l’innocence du jeune homme à vélo. Et si le chaos est inévitable, il ne nous restera que cette étrange mélancolie du quotidien.


Parce qu'il s'approche d'une narration classique et s'accompagne d'une voix off, SileSilence est un des films les plus lisibles et poétiques de Jacques Perconte. C'est également une excellente porte d’entrée pour découvrir le charme envoûtant du cinéma figuratif.


Disponible en accès libre sur Vimeo

Site d'origine : Ciné-vrai

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le 5 janv. 2023

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