Bon, d'accord, je partais avec un sérieux handicap car je ne suis pas du tout amateur de bandes dessinées (hors les gentillets Lucky Luke ou Asterix mâtinés d'Achille Talon, et encore). Je ne connais pas du tout ces "comics" de Franck Miller.
Ok, le DVD "Sin City" qui me faisait de l'œil dans la collection de ma fille attisait ma curiosité car, on a bien compris que j'aime beaucoup les films noirs (certes, d'une certaine époque mais pas que). Ses derniers conseils pour aborder le film (avec mon peu d'appétence concernant les BD) ont emporté la décision : "Tu verras, entre dans le film en te fiant juste à l'impression visuelle."
Là, je viens de visionner la version dite raccourcie qui n'est interdite qu'aux moins de 12 ans.
Effectivement, l'impression visuelle est assez extraordinaire et bluffante. Je dirais même l'impression visuelle et sonore car la bande son colle parfaitement à l'image en accentuant la tension et la violence des actions.
Il y a d'abord ce noir et blanc tenace et très mobile, bien foutu, que coupe quelques rares touches de couleurs vives. La robe rouge de la femme au début, le sang bien sûr qui gicle souvent, le teint jaune d'un ignoble Roark devenu un zombie quasi indestructible, le bleu de certains yeux féminins ou le bleu des yeux froids du cannibale...
Puis, les décors stylisés qui se rapportent, je suppose, au graphisme de la BD.
Surtout, une violence permanente où une bagarre en entraine forcément une autre, où les héros se prennent énormément de coups ou de balles avant de se coucher et de s'avouer vaincus, où les femmes (prostituées) hyper sexy ne sont pas forcément à la noce tous les jours. D'ailleurs, on se laisse prendre par cet enchainement "esthétique" de violences. On comprend qu'il y a plusieurs histoires assez distinctes où on voit d'abord le flic Hartigan (Bruce Willis), le seul intègre du film, protégeant une petite fille de 10 ans qu'on reverra à la fin 8 ou 9 ans plus tard en strip-teaseuse, suivi de l'histoire de Marv joué par un impressionnant Mickey Rourke en colosse qui veut venger Goldie, victime d'un affreux prédateur puis l'histoire d'un protecteur (Clive Owen) de prostituées qui ne craignent pas le baston et n'hésitent pas à mutiler les gêneurs et prédateurs …
Au bout d'un certain temps, ces enchainements de violences sans fin finissent par provoquer (chez moi) un curieux effet anesthésiant où on ne se préoccupe plus que de l'aspect visuel des poursuites et des combats sans forcément s'intéresser au sens (très diffus) de toutes ces actions pourtant commentées in petto par chacun des personnages sur un ton sépulcral. Sans parler des dialogues bien souvent insipides et agressifs.
Spoiler : le film commence et termine (presque) de la même façon : un tueur à gages drague une jolie femme en lui offrant une cigarette et une fois dans ses bras la tue. On comprend dans la scène initiale qu'en fait la femme a payé le tueur pour l'assassiner. Pourquoi ou comment : ce n'est pas dit et finalement on s'en fout. Tout est dans l'esthétique de l'assassinat…
C'est la faiblesse de l'exercice et du film d'une façon générale. À la fin, on a eu notre dose de violence et d'hémoglobine dans cette ville de toutes les perversions où les femmes sont toutes hyper-sexy et callipyges, très vénales comme de bien entendu et où les hommes sont souvent pas beaux et bien pourris …
On ressort du film comme on y est entré. En ne comprenant pas bien à quoi tout ça rime ! L'ambiance y est bien noire, la mise en scène bluffante et les différents personnages remarquables par leurs postures et maquillages (Mickey Rourke en particulier). Mais le manque de sens général fait que le spectateur a du mal à s'impliquer et à s'intéresser aux destins individuels des personnages, ce qui est, pour ma part, un minimum pour un film noir.
L'ambiance est noire, certes (les scènes sont le plus souvent nocturnes ! et puis le Noir et Blanc) mais surtout gore et impersonnelle. Je n'en suis pas sorti très convaincu …