Autant les films sur lesquels a travaillé Ray Harryhausen dans les années 50 et 60 baignent dans un climat poétique et magique, autant ceux des années 70 sont cruellement dépassés. Cruellement car on sait la passion qui animait ce célèbre technicien. Cruellement car on connait sa volonté d’offrir un spectacle divertissant de qualité. Cruellement car, de fait, Sinbad et l’œil du tigre est quasiment irregardable de nos jours. Si les créatures de Harryhausen restent intéressantes, elles s’insèrent mal dans un récit binaire où s’oppose bêtement le Bien et le Mal, pire elles s’insèrent très mal dans des décors qui ne font jamais illusion et dans de pitoyables incrustations d’images.
Ce qui flingue ce Sinbad troisième du nom, ce sont ses affreuses transparences. En 1977, date de sortie de La Guerre des étoiles, proposer de si ignobles transparences n’est plus acceptable. On ne croit jamais un instant que les personnages sont là où on veut nous faire croire qu’ils sont, on ne croit jamais un instant qu’ils vivent de terribles péripéties et on ne croit jamais un instant à cette aventure. Avec ses contours ratés, ses décors en toc et ses horribles contrastes de couleurs, on se retrouve dans un film, au mieux fauché, au pire bâclé. La médiocre interprétation de personnages creux et caricaturaux n’aide en rien à la réussite d’une entreprise où out est sacrifié à des effets spéciaux démodés.
Dans la droite ligne des films d’aventures fantastiques totalement kitsch des années 70 (la série des Sixième continent par hasard), on obtient donc cette aventure nanardesque qui se prend très au sérieux et qui époustoufle par son effrayante naïveté. Le Voyage fantastique de Sinbad en 1973 évitait de peu le ridicule. Il l’atteint ici dans toutes les largeurs même s’il est toujours difficile de dénigrer les projets sur lesquels a travaillé Ray Harryhausen. Mais bon sang que le premier volet semble à des années lumières de ce machin ridicule qui a pourtant pu nous transporter dans notre jeunesse.