Rare sont les réalisateurs japonais qui parviennent à se faire une place au milieu des films du studio Ghibli ou du récent studio Ponoc. Pourtant il subsiste des films japonais qui captent l'attention du public, et parmi les films que je voyais souvent passé dans mes recommandations, il y avait Patéma et le monde inversé. Faute d'y trouver des défauts car faute d'avoir pu finir mon visionnage sans m'endormir, j'étais sorti du film avec un souvenir mémorable. Il n'empêche que j'ai pu me souvenir d'un univers assez froid et dystopique, propre à beaucoup de films d'animation indépendant. J'étais alors assez intrigué et surpris lorsque je suis tombé sur le film suivant du réalisateur, Sing a bit of Harmony, présenté en séance événement au Festival d'Annecy, qui semblait aller à l'opposé complet de ce qu'il a pu proposer dans Patéma, avec beaucoup de couleurs, beaucoup de joies, et un univers moins dystopique. Pour quel résultat ?
D'entré de film, à travers des dialogues sur-explicatifs à voix haute, on peut voir ce qui va entacher tout le visionnage et qui va constituer le problème majeur du long métrage. On essaye de nous introduire un monde développé technologiquement et scientifiquement parlant, avec des panneaux solaires partout, des éoliennes aux design inspirés des récents plan d'urbanisme des côtes européennes, des robots partout,... et cet univers amène différents questionnements. Sans forcément tomber dans de la critique pas très honnête qui cacherait son manque d'arguments derrière la recherche de détail incohérent, il serait se mentir qu'un univers aussi développé numériquement n'amène pas des questionnements, après plus de trente ans de films catastrophes, où les avancées technologiques ont été pointé du doigts comme la cause de la mort de l'humanité. Dans Belle de Mamoru Hosoda, on nous présente un monde virtuel qui va être un outil pour pouvoir s'exprimer librement, se confronter au monde extérieur d'une autre manière (en évitant des contraintes lié au monde extérieur), et il n'est pas tant question de s'attarder sur comment marche le monde de U car, en définitive, c'est un film qui se centre sur un personnage féminin amené à se reconstruire. Évidemment que certains pointeront du doigt que "La fille elle met deux airpods et peut chanter dans le monde de U, mais est ce qu'elle chante aussi dans la vrai vie ?" (alors que ces mêmes personnes acceptent volontiers de voir des personnages courir dans la rue avec des casque VR sans se prendre de mur dans Ready Player One de Steven Spielberg... c'est un autre débat), mais le monde de U n'étant pas le centre d'intérêt de l'histoire étant tellement détaillé et précis, cela ne vient pas entacher l'appréciation du film outre mesure. En définitive, il y a un besoin de jongler habilement entre ce qu'il faut montrer pour expliquer, cacher pour ne pas assommer le spectateur (tout en évitant de montrer qu'on n'est pas des professionnels en science), et surtout avoir une rigueur et une fidélité dans la définition de la diégèse pour qu'on puisse croire au film tout du long. Dans Sing a bit of harmony, J'ai l'impression de voir un univers pensé et écrit par un enfant de 8 ans. Comprenez moi bien, il n'est pas tant question de critiquer une forme de candeur, lié au fait que Shion voit toujours la vie du côté positif, et qu'elle est amenée à être un élément perturbateur dans un groupe d'élève qui ne se connait pas forcément, et qui sont amené à voir la vie d'un meilleur côté. De ce côté là le film est vraiment pertinent, et le pitch même du film est génial. Enfin, ce n'est pas tant le côté musical qui rend le film bête ou même désagréable (on aura le temps d'y revenir), et au contraire, je trouve que cela renforce la singularité du film qui, par moment, en a franchement besoin. Ce qui me dérange, c'est la manière dont l'ensemble est exécuté qui relève parfois d'un amateurisme inquiétant.
Tout le film repose sur le fait que Shion est une androïde inventé par une équipe de chercheur, et que ces chercheurs l'envoi en condition réelle pour effectuer un teste de Turing (en VF ils ont réussit à se gourer de nom, je ne serais pas étonné si cela serait aussi faux en VO). La personne à la tête du projet étant la mère d'une des élèves, et l'androïde échouant très vite au teste, l'élève va tout faire pour cacher la vérité et faire en sorte que sa mère ne soit pas renvoyé. De cela on peut se poser les traditionnelles questions pas très passionnantes (et de mauvaise foi), mais je vais m'attarder sur une question importante sur lequel tient tout le film: "Comment ce robot a pu être approuvé et labellisé pour réaliser un teste de Turing ?". Dans un monde aussi technologique et évolué que celui-ci, comment personne n'a vu le soucis d'envoyer un androïde qui se met à chanter toute seul une même chanson sans qu'on lui ai appris ? Comment ça se fait qu'après les différents échanges avec les chercheurs, ceux-ci n'aient pas vu le décalage évident avec un humain, et surtout, comment ils ont pu se dire que c'était une bonne idée de réaliser un teste de Turing où le moindre élève peut désactiver le sujet de teste avec son portable ? C'est l'élément déclencheur de l'intégralité du film, et ce n'est pas un détail qu'on peut oublier car tout le scénario repose là dessus. On parle d'acceptation (avec parfois des sujets comme le harcèlement), dans une classe où des élèves vivent mal les mines basses de leurs camarades et où chaque personne un peu étrange se fait juger (à l'image de la toute première scène où le personnage principale se fait catégorisé, à peine être rentré dans l'enceinte de l'école, en interagissant négativement avec d'autres élèves), comment Shion arrive à ne pas être juger ? On a littéralement un montage compilant tous les instants où Shion ne fait quasiment aucun effort pour imiter le comportement humain (le minimum attendu pour réussir un teste de Turing), et on a beau mettre le personnage principale à proximité de Shion faisant des grand geste pour détourner l'attention et vaguement trouver une excuse, comment des gens n'ont-ils pas pu informer la direction des événements ? On parle d'un teste de Turing, si le teste échoue, comment les scientifiques sont sensés comprendre que leurs androïde n'a pas réussit le teste ? Qui surveille l'androïde durant sa scolarité ? On a vaguement un chauffeur qui la récupère matin et soir, et on sait quand est ce que l'androïde est en cour, mais qui va questionner les élèves et les professeurs pour voir s'ils pensent que Shion est un robot ? Le prof de sport (s'il y en a un) qui voit Shion faire de l'apnée durant un temps anormalement long dans une piscine sans même expirer des bulles d'eau, c'est quoi son raisonnement pour la laisser encore sous l'eau ? Comment voulez vous qu'on croit à ce qui se passe alors que les règles qui régisse la science et la logique du monde semble être aussi vague et peu convainquant ? On a ce sentiment de récit qui n'écoute que soi et qui, de manière égoïste, impose ses choix sans logiques par autorité plus que par réelle réflexion de fond. L'un des exemples des plus parlant reste les capacités de Shion, qui ferrait pâlir Elsa et sa puissance quasi divine dans La Reine des neiges 2, ainsi que les intentions du personnages. Shion veut rendre heureux le personnage principal (alors que c'est un androïde, c'est purement illogique mais le film explique vaguement la raison, on y reviendra plus tard en spoil) et pour ce faire, elle peut contrôler à distance tous les appareils informatiques autour d'elle car "elle demande gentiment et les robots acceptent". Cela n'a l'air de rien, mais dans un monde aussi développé numériquement, cela nécessite des barrières scénaristiques que n'a pas Shion. Selon le besoin du scénario et de la """""vraisemblance""""" du récit, Shion peut modifier en temps réel les caméras de surveillances du lycée pour éviter que des gens la voient dans son étrangeté la plus totale afin que des surveillants ou même la direction de l'école ne puisse pas penser que c'est un robot... sauf que cela n'empêche pas les autres étudiants autour d'elle de la voir chanter, danser, et être totalement anormale. C'est un cache misère scénaristique passablement raté pour justifier ce qui n'avait pas à l'être. Mais plus que le fait de justifier ce qui n'avait pas forcément à l'être (car on pouvait imaginer que les gens qui s'occupe de Shion pouvait la surveiller grâce aux caméras... sauf que cela soulève aussi des problématiques sur le fait qu'une entreprise privé puisse accéder aux caméras de surveillances d'une école sans que celle-ci puisse trouver ça louche... bref, je passe en coup de vent car le film soulève énormément de problèmes d'écritures qui nous forcerait à y passer plusieurs nuits pour toutes les analyser), c'est les ajouts involontaires et le sous-texte qui est apportés avec ces réponses. Shion désactive les caméras de surveillance parce qu'elle comprend que si les caméras la voient comme ça, elle échoue au teste de Turing et elle a perdu (ce qui soulève le fait qu'elle a conscience que son comportement ne colle pas à ce qu'elle devrait être, mais qu'elle ne fait pas d'efforts pour s'intégrer et s'assimiler aux autres humains (le but même de ce pourquoi elle a été programmé) parce que... ?). Si la chose parait insensée et complètement con sur le papier, elle l'est beaucoup moins lorsque celle-ci est traité dans des films où c'est le centre même du film, et où on a un réel travail en amont sur l'intelligence artificiel (je conseille notamment Ex Machina d'Alex Garland qui joue sur cette idée que la machine ne cherche qu'à répondre à une problématique qu'on lui a imposer). Dans ce film, l'aspect scientifique et expérimental n'est pas le centre même du film, ce qui doit "justifier" le manque de rigueur flagrant du scénario vis-à-vis de la diégèse et de la cohérence de son univers... sauf que cela ne marche pas comme ça. A plusieurs reprise la technologie est montré comme une parti non négligeable de l'univers et du film, que ce soit dans la relation qu'entretient l'héroïne au monde extérieur, dans sa vie sociale et familiale avec sa mère, dans la cohérence de Shion et du "mystère" qui l'entoure... on ne peut pas passer à côté de l'aspect technologique, et on ne peut pas avoir une lecture de la technologie aussi pauvre et fausse à une époque comme la nôtre. Si je l'évoque et que je m'attarde autant dessus, c'est que tout essaie de scénario est voué à échouer, car se déroulant dans un univers aux codes tellement peu crédibles et solides que tout (ou presque) peut arriver. L'un des plus grand mystère du film, la raison pour laquelle Shion souhaite désespérément rendre le personnage principale heureux, est expliqué vainement vers son climax, mais tout comme l'histoire des caméras de surveillances qui se désactive parce que "Shion leur a demandé gentiment", cela soulève des questions que l'on aurait pu ne pas se poser.
Donc Shion serait une intelligence artificielle inventé par le meilleur ami du personnage principale (âgé de 8 ans au mieux) qui aurait réussit à "s'échapper sur le net" depuis la corbeille d'un ordinateur, après qu'un scientifique ait jugé qu'un tamagotchi autonome et évolutif soit inutile (on est déjà dans un niveau de non sens et de tirage de cheveux assez fort alors qu'on n'est même pas dans le nœud du problème, à côté la corbeille pleine qui vomit son contenu dans le film Totally Spies parait crédible, mais bon). Cette conscience artificielle se serait transmise dans tout internet pour retrouver le personnage principale, et a décidé de s'incarner dans le sujet de science de la mère de l'héroïne pour la retrouver. Sans même parler du el famoso "est ce que c'est judicieux pour un teste de Turing d'être effectué dans l'établissement scolaire de la fille de la chercheuse en charge du projet ?" qui est de plus en plus évident au fur et à mesure que le film avance, pourquoi Shion ment ? Parce qu'à un moment, l'héroïne demande à Shion de l'expliquer pourquoi elle fait ça, et pourquoi elle ne veut pas lâcher l'affaire, mais celle-ci ne dit délibérément pas la vérité. Mis à part le "parce que sinon il n'y a pas de film" (qui est la seule réponse possible à ce stade), la question soulève le fait que Shion brise en permanence toute tentative de contraintes et de statu quo. Cela n'est pas tant sans logique... mais cela montre surtout le manque de travaille pour réaliser un chantier d'aussi grande ampleur
Le film a beau traiter de la technologie et avoir un univers moderne, celui-ci est écrit comme un conte. On peut le voir cela à travers le côté fantaisiste et opportun de certaines tournures scénaristiques qui ont pour vocation d'amener une situation précise qui va amener une réflexion et un ensemble d'émotion. Ce n'est pas tant un défaut, voire même une honte, car même le film l'assume (à raison) à travers des clins d’œils plus ou moins subtiles allant de la série d'aventure que devra affronter Shion avant de pouvoir rendre heureuse le personnage principale, aux séquences musicales et le caractère comédie musicale du film, jusqu'à la subtilité inexistante avec l'apparition régulière de scénette tiré d'un dessin animé de conte et princesse. Le soucis étant que le côté conte n'est pas assumé, par nécessité de rationaliser le monde informatique, et finit par être totalement déshonoré lorsque ses codes servent presque de cache misère à un film qui accumule les maladresses de propos de fond, et les erreurs facilement évitables.
La réalisation, quant à elle, devient le reflet d'un film malade et peu inspiré par son pitch accrocheur, et va pour assurer un minimum qui ne devient pas satisfaisant. Les graphismes sont beau, l'animation est fluide, mais le plaisir n'est pas là. Le film manque parfois en contraste, surtout durant les scènes "quotidienne" à l'école (ce qui représente près d'un bon tiers du film), et il y a beau y avoir une tonne d'effets VX pour rendre la chose moins fade à la vue, cela surcharge l'image plus qu'autre chose, et on finit épuisé par certaines scènes qui manquent de légèreté. Il y a bien les phases musicales qui offrent un bol d'air frais, et parfois de belles idées comme LA scène phare du film avec des panneaux solaires qui aurait pu donner quelque chose de beau... si on nous teasait pas la scène en permanence en répétant le morceau interprété (qui est beau) une bonne dizaine de fois dans tout le film. La réalisation est lourde, à l'image des nombreuses chansons qui jalonnent le récit, qui sont écrit avec beaucoup de maladresses, et qui interviennent de manière brutal, parfois sans réel introduction. L'exécution est balourd et peu réfléchit, on a beaucoup de mal à retenir une scène tant le film cherche à tout uniformiser, et on s'ennuie beaucoup face à un film peu original et peu convainquant. On aurait pu avoir d'un chef d’œuvre, mais on se retrouve avec un film bancale et pas des plus agréables.
8,5/20
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