Ce film, c’est une immense quête initiatique, une quête de soi, de ses origines, de ses envies, de ses rêves, de ses blessures et de ce que l’on attend de la vie, de la manière dont on la voit, de ce que l’on souhaite en faire pour toujours ou à un moment donné, du sens que l’on veut lui donner, du temps perdu à travers les excès, de cette jeunesse dont on veut profiter, au risque de gâcher de précieux instants. Tout ceci, sur fond d’intégration, parce que lorsque l’on quitte son pays, ses racines, même si ça fait longtemps, on ressent toujours ce besoin de faire partie d’un tout, de pouvoir faire comme les autres, de se sentir comme les autres, alors, on se détache de sa culture, de sa religion, de sa langue même, de ses traditions, allant jusqu’à tout renier, simplement pour ne plus être différent. Mais voilà, lorsque l’on se coupe de tout cela, c’est aussi une partie de nous-mêmes que l’on rejette, des souvenirs, des sentiments, alors, il faut réussir à faire la part des choses, à s’accepter pleinement, à faire la paix avec l’image que nous souhaitons renvoyer, il est possible d’allier chacune des parties, pour être complètement soi. C’est le chemin que devra faire ce jeune homme, un chemin qu’il devra également faire avec son deuil, un parcours qu’il va effectuer au travers d’un métier difficile, au cœur même de la mort, dans ce qu’elle a pourtant de plus pure, de ce passage si délicat, pour ceux qui restent et de ces personnes qui prennent soin de ceux qu’ils ont de plus cher, pour les emmener dans leur dernière demeure. La réalisation de Karim Bensalah est d’une beauté infinie, il signe un premier film extraordinaire, riche de sujets forts, abouti, il nous livre un travail bluffant de vérités, dans un cadre pourtant complexe et sensible, puisque la mort est encore très tabou dans nos sociétés. Visuellement, tout en finesse, en subtilité, il ne tombe jamais dans le voyeurisme, là où certaines scènes auraient pu être choquantes, elles sont plus dans la suggestion, sans rien montrer des détails les plus macabres, mais au contraire, en ayant fait le choix de mettre en avant la beauté des gestes, le respect cérémoniel qui s’en dégage. En ce qui concerne le scénario, il n’est pas forcément des plus complexes, c’est une certitude, mais il saura miser sur un fond, sur des sujets forts, ce ne sera peut-être pas au goût du plus grand nombre, mais pour ceux qui y sont sensibles, c’est une véritable claque. Parce que malgré une situation assez précise, ce sont des thèmes universels, des questions que chacun de nous pourrons se poser à des moments de nos vies différents, parce que nos origines font partie intégrante de nous, de ce que nous sommes et qu’il est impossible de les renier, sans se faire souffrir au passage, sans se couper d’une partie de soi-même. Quant au casting, il est d’une puissance extraordinaire, Hamza Meziani est d’une sensibilité rare, dans chacune de ses émotions et j’ai été bouleversée par l’interprétation de Kader Affak, toute en retenue, pourtant si percutante.
En bref : Un film initiatique marquant, une réflexion profonde sur les origines, sur celles qui nous construisent, mais qui entrent parfois en collision avec notre volonté de s’intégrer, de ne pas faire de vagues, de se sentir comme tout le monde, nous livrant un parcours jonché de symboles, qui nous prouve qu’il est possible d’allier les deux et de faire la paix avec chacune des parties de nous-mêmes !
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