Javier Bardem, skaï folle.
Bond n’échappe pas à la mode du moment qui consiste à déconstruire un mythe pour mieux le transcender —enfin, c’est ce qu’ils disent— et en soi, personnellement, ça ne me dérange pas. De toute façon, vu la longévité de la franchise, il faut bien à un moment donné un peu tout essayer.
Le résultat, même pour un gars comme moi qui apprécie double zéro sept sans en être absolument connaisseur de façon encyclopédique, donne un film complètement sympathique, certes, mais bourré de facilités ; pour ne pas parler parfois de laxisme.
Parlons du générique, puisqu’un Bond et son générique sont indissociables et s’inscrivent dans une tradition reconnue, appréciée, et attendue.
Franchement sceptique à l’annonce de l’ancienne grosse mais belle pas tout à fait maigre Adèle, icône des anciennes grosses qui aimeraient plus être maigres que belles, je vous avoue que je l’attendais au tournant. Si l’instrumentation, soucieuse d’utiliser un certain vocabulaire, aurait gagné à être un poil moins sobre, on apprécie justement la sobriété de la chanteuse et le subtil dosage vocal dont elle fait montre ; tessiture et grain étant grandement servis par l’acoustique d’une salle obscure.
Et si visuellement, le tout démarre plutôt bien (Bond, jouet dans une main féminine), on regrette vite la purée numérique et les fautes de mauvais goût qui viennent plomber un générique pourtant bien amorcé.
Un Bond, c’est tout de même une recette : un méchant, une fille, des gadgets, une scène d’introduction (dans le désordre).
Côté introduction, je dirai juste qu’une nana mériterait bien qu’on lui rende la monnaie de sa pièce. (Blague contextuelle se servant de l’introduction comme prétexte pour être utilisée)
Côté fille, on se retrouve face à une bonasse bien agréable à reluquer, d’accord (je ne peux résister à une brune à forte poitrine), mais complètement anecdotique et expédiée un peu sans ménagement, ce qui en fait in fine un élément assez représentatif du film dans son ensemble.
Le tout respire un peu le survol, l’allusion, le plan sans développement, voire carrément le manque de cohérence.
On a ce vilain, par exemple. Le méchant dans un 007 se veut toujours représentatif des peurs et des menaces sociétales de l’époque dans laquelle les films s’inscrivent. Soit actuellement la guerre invisible du renseignement livrée sur internet, le pouvoir potentiellement terroriste conféré au détenteur de l’information dite sensible, les nouvelles technologies et le changement de règles qu’elles impliquent.
Mea culpa, car si en fait Silva représente une peur actuelle, c’est bien celle d’une décoloration ratée.
C’est bien sympa de jouer au grand fou, ex agent d’élite du génie britannique, figure de mode, pygmalion, mégalomane, hacker incontesté et inégalable, et sorte de double maléfique de ce vieux James, pour l’affubler —en plus d’une allure ridicule— de motivations aussi puériles !
Il veut sa môman le vilain pas beau.
Son organisation ? Une agence de prêt-à-porter. Son background ? Des problèmes bucco dentaires. Ses liens avec feu la James Bond Girl ? Il est 09 :28.
D’accord le Bardem s’amuse, sa face bovine et meuh, sympa le côté métrosexuel assumé dans un dialogue délectable avec notre amateur de martini au shaker. D’accord c’est sympa l’histoire de l’oxyde de cyanure, n’allez pas croire que j’ai une dent contre lui (putain c’est drôle si vous avez vu le film). M’enfin, y a tout de même pas grand chose à se mettre sous la dent (bis).
Côté gadget, par contre, j’ai personnellement apprécié le retour aux fondamentaux probablement inspiré par la date anniversaire de la sortie de ce 23ème film. Un Walther (si je ne m’abuse), une radio, et une surprise que les fans apprécieront.
Par contre, je suis un peu resté sur le Q.
Quand je vous parlais d’un certain manque de cohérence, je pensais à l’écriture du personnage de Bond. Je trouve intéressant le parti pris d’humaniser l’agent entamé avec Casino Royale, je trouve intéressant (bien que virant de plus en plus à l’écueil) d’en faire un homme blessé et vieillissant. Pas de problème avec le rhumatisme à l’épaule et avec la barbe poivre et sel. Par contre pourquoi appuyer avec aussi peu de finesse sa décrépitude pour lui redonner sa forme et sa jeunesse perdues au milieu et finalement le faire briller comme un sous neuf 5 minutes avant la fin ?
Ah oui, en préparation d’au moins deux autres opus avec Craig. C’est tout de suite plus cohérent. En effet.
Magnifique scène finale en écosse, bien que détonnant un peu dans un James Bond.
Cependant, je vous le disais, ce Bond est tout de même sympathique. On sent que Craig tient son personnage (ou en tout cas sa vision du personnage), le tout ne se prend paradoxalement pas trop au sérieux, on accueille quelques clins d’œil avec plaisir, ainsi qu’un Fiennes dont la venue apportera sans doute un nouveau souffle à la franchise, en même temps qu’il y gagnera quelques titres de noblesse supplémentaires.
On regrettera ces flottements mentionnés, un mise en scène en patchwork (Mendes et les séquence d’actions…) et quelques cabotineries, mais sans doute pas d’avoir payé sa place pour un divertissement plus qu’honnête, chose assez rare pour être encouragée.