Près de quatre ans après l’apparition du mot dièse #BalanceTonPorc, le mouvement de dénonciation du vécu traumatique de nombreuses femmes se poursuit dans la presse, la littérature et le cinéma. Slalom est un de ces films que la vague #MeToo a rendus possibles.
Le sujet du film, implacable, est l’emprise toxique exercée par un entraîneur sportif sur une jeune skieuse de quinze ans. Sans surprise, nous voyons se dérouler sous nos yeux la mécanique perverse du harcèlement, au prétexte de la poursuite de l’excellence sportive. Le scénario avance, droit devant, sans embardée, sans pas de côté. La démarche semble être essentiellement didactique. Le spectateur doit voir, sans détourner le regard, le piège se refermer sur la jeune Noée Abita (Lyz). Bien entendu, l’atmosphère est tendue, glaçante.
Pour ma part, je regrette le caractère trop démonstratif de Slalom. Je me suis senti pris, moi aussi, dans une forme de piège. Rien de comparable avec le calvaire de la pauvre Lyz, évidemment, mais plutôt la sensation d’avoir été placé par Charlène Favier (la réalisatrice) dans la position de témoin muet, dans l’impossibilité de réagir et de venir en aide à la jeune athlète.
Une nuit, Fred et Lyz, grisés par la performance de cette dernière, montent en voiture et exécutent une série de dérapages contrôlés sur un circuit enneigé. Ensuite c’est le dérapage de trop : le viol, dans l’habitacle du véhicule. Viendra par la suite une autre scène de viol, plus dure encore.
J’ai trouvé le siège du cinéma d’autant plus inconfortable qu’il y a plusieurs mois j’étais confronté, devant la série En Thérapie, au récit poignant de Céleste Brunnquell (Camille), adolescente elle aussi violée par son entraîneur de natation. Mais dans la série de Toledano et Nakache, c’est depuis le fauteuil du psychiatre que je voyais la scène, ce qui me donnait l’opportunité d’apaiser la souffrance de Camille, de la relever. De ces deux façons différentes de traiter un même sujet, c’est celle choisie par les créateurs d’En Thérapie que j’ai préférée.
La réalisatrice du film a opté pour un récit linéaire et inexorable, laissant de côté tout ce que personnellement j’aime trouver dans un film, à savoir des moments de respiration, des lignes de fuite. Devant Slalom et son souci de la vraisemblance, j’ai suffoqué. Si l’objectif est de placer le spectateur dans la peau de Lyz, alors c’est réussi. Si vous cherchez à passer un bon moment, allez voir autre chose.