La première séance de reprise après plus de six mois de fermeture des salles obscures a, pour tout cinéphile, une saveur toute particulière !


Quel plaisir de voir autant de premiers films dès la semaine de réouverture ! Falling, Le dernier voyage, L’étreinte, et bien sûr Slalom : les propositions ne manquent pas, et je dois dire que cela redonne espoirs !


Espoir en un cinéma de qualité – après tout ce temps à être abreuvé de téléfilms et de contenus en tout genre de plateformes de streaming –, et espoir également en la diversité du cinéma.
Ces dernières semaines, les médias n’ont pas arrêté de nous rabâcher les oreilles au sujet d’un embouteillage de films, avançant avec dramatisme le chiffre de 450 longs métrages à sortir entre cette reprise mi-mai et la fin d’année 2021.
Un nombre pas si énorme quand on prend le temps d’analyser la situation (ce qu’aucun journaliste n’a pris la peine de faire…) : sur une période « normale », environ 750 films inédits sortent chaque année sur les écrans (746 en 2019 selon les informations du CNC). Dans ces conditions, 450 films à sortir en un peu plus de 7 mois ne semblent pas du tout insurmontable. Certes, il y aura sans doute un turnover à l’affiche un peu plus rapide qu’à l’accoutumé, et certaines semaines de juin, d’octobre et de décembre seront particulièrement chargées (comme chaque année), mais la diversité de programmation ne devrait pas trop en souffrir : il aura de nombreux blockbusters ou films d’auteurs importants, mais des films art & essai plus fragiles auront également la place d’exister.


Après ce petit laïus « industrie du cinéma », recentrons-nous sur le film en lui-même !


Slalom est donc le premier film de Charlène Favier, après plusieurs courts métrages dont Omessa (23 prix pour 80 sélections en festivals !), et Odol Gorri, qui était en sélection officielle des courts métrages aux César 2020.


Il s’agit de l’histoire de Lyz, une ado de 15 ans, qui vient d’intégrer dans son lycée des Alpes la section sport-étude, spécialité ski. Devant ses bons résultats en compétitions, Fred, son nouvel entraîneur, décide de tout miser sur sa nouvelle recrue. Démarre progressivement un rapport malsain entre l’élève et son maître…


L’une des grandes forces du film est le jeu des deux acteurs principaux, Jérémie Renier, que l’on ne présente plus, dans la peau de l’entraîneur pédophile, et la jeune Noée Abita, magistrale et fougueuse, découverte en tête d’affiche dans l’excellent Ava de Léa Mysius sorti en 2017 (à recommander chaudement), et également déjà présente dans le court métrage Odol Gorri de Charlène Favier.


La réalisatrice a elle-même fait du ski à haut niveau dans son enfance : on sent qu’elle connaît bien le monde de la compétition, du dépassement de soi et des jalousies qu’elle dépeint. Le film est notamment très juste quant au rapport au corps : le milieu sportif possède un détachement vis-à-vis du corps qui surprend toute personne extérieure. Lorsque Fred demande d’un air détaché à Lyz de se déshabiller pour se peser, ou lui pince les bourrelets pour en mesurer la taille, il s’agit en fait de gestes courants dénués de tout caractère sexuel.
En revanche, la mise en scène est assez fine pour que le spectateur comprenne immédiatement le geste de trop, celui qui verse dans les attouchements sur mineur.


A mesure que l’horreur s’immisce, la mise en lumière des scènes change. Le bleu du ciel et de la neige laisse rapidement la place au rouge, celui du sweet et des néons. Un rouge qui ne va plus quitter Lyz.
Plus globalement, le travail de la mise-en-scène est très intelligent. Les descentes à skis notamment, en gros plan de biais, en poursuite ou en plongée, sont magistrales. On n’avait rarement vu des poursuites à skis aussi bien filmées, même dans les blockbusters à la James Bond.


Pour finir, je salue le travail musical qui a été fait sur le film et qui participe à la mise en place d’un climat oppressant. L’utilisation notamment du magnifique morceau des Quatre Saisons de Vivaldi m’a immédiatement fait penser à la même musique qui ouvrait Snow Therapy. Ces attaques de violons sont d’ailleurs présentes dans les deux bandes annonces de ces films. Vivaldi devient-il un incontournable des films de montagne ?!


Slalom est une vraie réussite. Le scénario, la mise-en-scène, la direction d’acteurs : tout est réalisé avec une grande justesse, presque une délicatesse au regard du sujet. Enfin du bon cinéma !

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le 27 mai 2021

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D. Styx

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