Parti pour récupérer des ressources naturelles sur Titan, lune de Saturne, en vue de guérir les plaies de notre bonne vieille Terre, l'astronaute John enchaîne les cycles de sommeil/réveil tous les 90 jours avec ses deux compagnons de bord, Nash et le capitaine Franks, au sein d'un périple spatial à bord d'Odyssey 1 amené à durer des années. Chaque éveil médicamenteux pour effectuer quelques contrôles de routine se met à engendrer d'étranges effets secondaires sur l'équipage, sur John en manque de l'être aimée qu'il a laissé sur Terre et, surtout, sur Nash de plus en plus obsédé par une avarie technique qu'il ne parvient à expliquer...
Clairement pas venu là dans un rôle de promoteur de voyages spatiaux longue durée, "Slingshot" s'inscrit dans la droite (et classique) lignée du huis-clos spatial où paranoïa et hallucinations jouant sur les failles intimes vont faire méchamment vriller la plupart de ses protagonistes sur le long terme. Pour autant, même s'il apparaît vite clair que le film de Mikael Håfström ("Chambre 1408", "Le Rite") préfère emprunter les routes déjà toutes tracées par ses aînés "Solaris" & co plutôt que d'afficher une volonté quelconque de les révolutionner, il le fait plutôt de manière correcte, porté par sa mécanique d'états de stase où chaque réveil du héros et de ses camarades permet d'instaurer la progression de leurs fébrilités qui va ne cesser de dévorer leur entente.
Avec les étapes d'une romance très touchante (en compagnie d'Emilie Beecham) en guise de déchirement terrestre au coeur de son personnage, Casey Affleck, comme d'habitude épatant, devient la plus-value émotionnelle évidente de "Slingshot", traduisant brillamment toute la fragilité et la détresse sentimentale de son personnage face à son esprit vacillant et sa perte de repères devant les comportements erratiques de ses comparses (l'élément perturbateur incarné par Tomer Kapon, le Frenchie de "The Boys", et l'apparente stabilité militaire de Laurence Fishburne).
Rien ne vient donc vraiment nous surprendre durant ce voyage pessimiste aux confins de l'espace et, hormis quelques bizarreries qui nous font lever un sourcil (le flingue), "Slingshot" se laisse gentiment suivre, donnant presque l'impression d'être lui-même conscient qu'il n'a qu'à mettre son récit sur pilote automatique pour se laisser guider par la qualité impressionnante de son interprète principal comme quasi-seul phare.
Bon, arrivé au dernier acte, lorsque les relents d'un très mauvais et éculé twist se font sentir, il devient dur au film de continuer à faire illusion, mais sa façon de gérer ce rebondissement et, plus particulièrement, ses conséquences en termes de désespoir terriblement humain pour son héros qu'il veut mettre en exergue va se révéler être au final son élément le plus original, lui conférant le soupçon de personnalité le plus sombre qu'il lui avait manqué jusque-là.
Quelques forts jolis instants inattendus au moment de le quitter ne permettant peut-être pas à "Slingshot" de gommer son manque d'inventivité sur la totalité de sa proposition mais rendant au moins justice à toute la douleur si bien incarnée de son héros, c'est déjà ça.