Passion stellaire dans l’Ouest américain

"A thousand ways to die, choose one" - (Rose Ross)


Le prologue de Slow West se déploie comme le début d'un conte. Âgé de 16 ans, Jay Cavendish (Kodi Smith-McPhee, déjà remarquable dans La Route et Le Congrès) est un adolescent qui n’a pas froid aux yeux. En 1870, il quitte son Ecosse natale pour pénétrer le coeur de l’Amérique, à la recherche de Rose (Caren Pistorius), jeune fille à qu’il voue un amour solennel.


Néanmoins, les codes sociaux stricts de l’époque victorienne rendent impossible l'union de ce fils de bonne famille et de cette jeune paysanne. Qui plus est, Rose et son père sont recherchés pour meurtre et s’exilent pour survivre, sans savoir que leurs têtes sont mises à prix pour la coquette somme de deux mille dollars, suscitant la convoitise de nombreux chasseurs de primes.


Durant son périple, Jay aime passer ses nuits en plein air, la tête dans les étoiles et le revolver contre la poitrine, tout en se remémorant la compagnie de Rose. Les traits juvéniles du garçon tranche fortement avec sa vaillance et sa témérité. Le jeune écossais, dont le raffinement et l'éducation sont vraisemblablement tirés des figures poétiques du romantisme britannique (on pense à Wordsworth ou Keats) se heurte brutalement au monde sans merci des hors-la-loi, à l'attitude grivoise et aux manières rudimentaires.


Le jeune homme fait vite la rencontre de l’un d’entre eux, Silas Selleck, un bandit peu bavard, campé comme une évidence par Michael Fassbender. L'homme s'arroge le titre de chaperon du garçon et lui promet de l’escorter jusqu’à Rose en contrepartie d’une rétribution. Fassbender endosse son rôle de hors-la-loi solitaire et expérimenté avec force et sincérité, formant un duo atypique au côté de Smith-McPhee.


Le suspens qui nous tient en haleine tout du long repose donc sur deux questions rapidement établies : Jay retrouvera-t-il son amour perdu ? Silas piègera-t-il Jay pour empocher la prime tant convoitée, ou cèdera-t-il pour aider le jeune homme ?


Pour accomplir sa quête amoureuse, l’initiation de Jay passe par une série de rites de passages. Il s’agira essentiellement de survivre, de tuer, mais aussi de fumer le cigare ou de boire l’absinthe en compagnie d’un autre bandit, le dénommé Payne, incarné par Ben Mendelsohn (The Dark Knight Rises).


Le plateau du Colorado, avec ses fleuves et son climat aride, est en réalité emprunté aux paysages féeriques de Nouvelle-Zélande, lieu de tournage du film, rappelant l’époque des western spaghetti. On ne se délecte pas moins de la traversée entreprise par nos deux compagnons de fortune dans cet Ouest imaginaire, magnifié tout du long par une photographie somptueuse.


Si ces décors oniriques sont mis en valeurs par un fantastique travail de lumière et de beaux couchers de soleil, il arrive que la lumière sature l’image à l’excès en lui conférant une trop grande teinte artificielle. Autrement, quelques plans impriment de spectaculaires images sur la rétine, comme ce champignon vénéneux filmé en contre-plongée qui surplombe et menace le jeune homme. Paradoxalement, ces merveilleux paysages s'avèrent être en réalité fort inhospitaliers, gage de violence et de souffrance à l’est, de rêves et d’embûches à l’ouest.


Par ailleurs, on rencontre toute une jolie galerie de personnages émaillés dans cette immensité géographique, que le récit égrène au fil de l’épopée équestre des deux voyageurs. Ces personnages fonctionnent comme des apparitions enchanteresses et allégoriques et témoignent d’une importante mixité ethnique. On croise, en outre, des indigènes, des prétendus soldats traquant ces derniers, d’anciens esclaves infirmes du Sud, des immigrés scandinaves, ou encore un écrivain luttant contre la christianisation des tribus aborigènes.


Du côté des regrets, les flashbacks manquent de vivacité et deviennent vite monotones. La dernière partie du film n’exploite pas suffisamment le potentiel entrevu jusque là. Certaines actions tournent au ridicule, comme lorsque la main de Jay est transpercée par une flèche aborigène. Le ton volontairement ironique de certaines scènes est mal convenu et dénature la dramatisation du récit. Aussi, le gang mené par Payne demeure excessivement inoffensif pour virer arbitrairement à l’absurdité sanguinaire. Enfin, la tension censée tirailler Silas, oscillante entre intérêt personnel et dévouement altruiste, flanche comme brindille au vent, faisant tomber à plat la promesse de voir Fassbender se transformer en génie du mal.


La scène meurtrière finale n’atteint pas la jouissance de l’épilogue sanglant d'un Django, mais ne démérite pas pour autant. La conclusion du récit demeure agréablement ouverte et inattendue, troublant brillamment la frontière entre l’amour et la mort et donnant toute sa plénitude au personnage de Rose.


En définitive, John Maclean signe un premier long-métrage soigné et original, n’hésitant pas à mêler les codes traditionnels du western à certains ingrédients habituels du teen movie pour nous offrir une aventure emballante sous la forme poétique d'un conte tragi-comique.

Kapower
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le 4 juil. 2015

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