Small Soldiers était à la base un projet destinée à promouvoir et soutenir une ligne de jouets lancée par Hasbro et soutenu par Burger King et Coca-Cola dans une démarche mercantile pas si éloignée de productions télévisuelles telles que He-Man/Les maitres de l'univers, Masks ou GI Joe.
Tout fier de leur belle idée commerciale, ils vont voir le roi d'Hollywood à l'époque, Steven Spielberg, et lui soumettent l'idée. Celui-ci leur dit tout de go: "j'ai l'homme qu'il vous faut, il s'appelle Joe Dante!"
Est-ce que Spielberg, qui sait tout de même un peu de quel genre de bois se chauffe son copain Joe, vient de faire un troll massif qui le fait bien rigoler, et sans doute encore plus lorsque les marchands de tapis enthousiastes donnent leur accord? Je ne suis pas loin de le penser.
Parce que pour ceux qui ont un peu suivi sa filmographie, Joe Dante, c'est tout de même loin d'être le gars sans aspérités à qui on confie un projet en se disant que décidément avec lui, rien ne va dépasser les limites bien établie de la bienséance.
Le truc, c'est que Joe n'aime rien tant que foutre le souk au milieu de tout ce qui est trop propret pour être honnête. Il avait déjà saccagé avec un certain plaisir par Gremlins interposés la petite ville tranquille de Kingston Falls avant de remettre ça avec New-York et la Clamp Tower dans le second épisode mettant ses créatures en vedette.
Il avait également ravagé le quartier trop tranquille de Hinkley Hills dans The Burbs, puis, démontré le caractère hautement générateur de bordel que peut représenter le cinéma dans Matinee.
Joe est au fond un véritable agent du chaos pour qui la satire au vitriol de l'American way of life est une seconde nature.
Le gars voit ce qu'on lui propose, probablement parce que c'est tout de même assez proche de ce qu'il a déjà fait (des petits personnages ravagent une petite ville américaine) et se lance à corps perdu dans une séance d'impro quasi totale (le script était écris plus ou moins au jour le jour par Dante et Kathryn Zatarga, sa scripte) ayant pour thème les nombreux travers de la société occidentale.
Le film est entre autre une critique acide de l'économie capitaliste et des grandes entreprises mêlant tout et n'importe quoi pour faire du fric et mélangeant la vente d'arme et la vente de jouets, Dante faisant se percuter le monde des adultes le plus sordide avec les monde de l'enfance.
Par rapport à un doux dingue d'entrepreneur telle que Clamp dans Gremlins 2 qui s'il était loin d'être parfait, s'avérait au fond humain, Gil Mars incarne l'évolution cynique d'un capitalisme débridé et sans complexe.
Mais comme le cinéma de Dante est hautement référentiel, il en profite aussi pour tailler un costume à l'imagerie guerrière diffusée par Hollywood elle même à travers les clichés militaires répétés à longueur de film par les membres du commando élite qui de plus seront physiquement calqués sur les grandes figures du cinéma d'action telles que Schwarzenegger, Stallone ou Dolph Lungren.
Lorsque le père de famille installé devant son écran géant face à un film déclare sans une once de second degré: "Je crois que la seconde guerre mondiale est ma guerre préférée", Dante enfonce le clou et insiste sur la désensibilisation de l'américain moyen face à la violence de la guerre.
Le film est évidemment rempli également d' un visuel ou de tirades en référence, parfois évidentes, parfois plus subtiles, à de nombreuses œuvres de Robocop à Apocalypse Now.
En matière de référence, Joe Dante ne manque pas l'occasion de faire à nouveau de nombreux hommages aux films d'invasions des années cinquante et soixante, et aux productions de Roger Corman qui ont influencés durablement sa filmographie, de Gremlins à Matinee.
Joe Dante, en bon poil à gratter de la mauvaise conscience américaine, veut montrer constamment que problèmes ne surgissent jamais d'un ennemi extérieur dans ses films, mais de la société américaine en elle même . C'est l'incapacité, voire l'irresponsabilité des protagonistes à s'occuper correctement de Mogwaï("vous n'êtes pas encore prêts") , c'est la paranoïa envers leurs étranges voisins qui entraine le chaos dans le quartier de The Burbs, c'est l'utilisation par l'industrie cinématographique du terreau fertile que constitue la peur afin de vendre son produit dans Matinee et dans Small Soldiers, le recyclage de technologies militaires dans l'industrie du jouet par pure volonté de profit.
La subversion ultime de Dante étant de faire du commando élite les méchants de l'histoire plutôt que les Gorgonites étrangers. Ce gigantesque pied de nez aux commanditaires du film ne pourra être rattrapé même en essayant d'édulcorer le film au maximum. Le sous-texte sarcastique et critique étant bien trop présent pour pouvoir le masquer même en partie.
Une fois tout ceci dit, le film ne parvient pas réellement à passer au delà des clichés qu'il dénonce ni de sa satire virulente pour acquérir une vie propre, dépassant ses références, et reste bien souvent à l'image de ses personnages principaux: sympathique, mais un peu artificiel.