Tout le programme de ce film de Joyce Chopra est en réalité contenu dans son affiche : Laura Dern est une ado qui se cherche (ou cherche quelque chose) et Treat Williams arrive à un moment donné sous ses airs menaçants. De manière plus précise, le personnage de Dern (elle a 18 ans à l'époque mais est censée interpréter une fille de 15 ans, la crédibilité n'est pas parfaite à ce niveau) est une rêveuse un peu naïve qui s'amuse à draguer en compagnie de ses copines, à la rencontre d'inconnus croisés dans un centre commercial, le mall, ce lieu typiquement états-unien. Le décor est celui de la banlieue pavillonnaire californienne dans les années 1980, et Chopra tisse un environnement de teen movie dans lequel les adolescents (une adolescente, surtout) testent la transgression et multiplient les expériences. Confrontations avec la famille (la sœur modèle, le père absent, la mère sévère), sorties avec les amies, flirts à tout-va.
Le programme est un peu limité : malgré la sympathie pour Dern, les pérégrinations dans le mall deviennent lassantes, et à la dixième séquence la montrant essayer du rouge à lèvres ou se réfugier dans une maroquinerie, la motivation pour la suite est à son minimum. Et la suite, en quelque sorte, c'est la rencontre de trop. Après les rencontres infructueuses (euphémismes) dont la protagoniste est parvenue à s'extirper avec l'aide de ses amies, il y a eu celle qui synthétisait un peu tout, l'envie et l'interdit, la passion et la peur. C'est donc Williams qui joue le rôle de la menace masculine, de manière très symbolique au sens où son personnage n'a pas vraiment de profondeur psychologique ou de passif explicité : ce n'est qu'une ombre qui rôde et qui viendra toquer à la porte de Dern tandis que ses parents se sont absentés.
Le mélange d'enfant et d'adulte contenu dans le personnage de Dern ne m'a pas convaincu, disons que l'équilibre entre l'insouciance du monde de l'enfance et la dureté des conditions d'adulte n'est pas toujours harmonieux. "Smooth Talk" pourrait se résumer à ça, une parabole sur la perte de l'innocence, récit d'apprentissage qui se termine dans un semi-drame aux contours ouvertement vaporeux — même si à mon sens, l'ambiguïté finale n'est que théorique. Une chose est sûre, la dernière scène nous indique que Dern n'est plus la même personne, au-delà de la musique (un peu trop) douce de James Taylor.