Sniper n'est plus une succession de suites. Avec l'introduction du personnage de Brandon Beckett, le rejeton du légendaire sergent Thomas Beckett, joué par le (trop peu) charismatique Chad Michaël Collins ( croisement physique improbable du chroniqueur TV Matthieu Delormeau et de l'acteur Christian Slater), Sniper est devenu une franchise fade et sans grande ambition. Si l'on excepte Billy Zane, de plus en plus bouffi mais honnête dans son jeu, et la prestation du trop rare Ravil Isyanov en sniper russe mercenaire, plus grand chose dans ce film nous rappelle les enjeux du premier opus, Sniper sorti en 1993 avec Tom Berenger dans le rôle titre.
Pour rappel, le premier métrage du nom était une sorte de Buddy movie en temps de guerre, narrant le quotidien et les missions d'un sniper d'exception (Tom Berenger encore auréolé du rôle du défiguré et violent sergent Barnes dans le Platoon d'Oliver Stone en 1987) et de son second, un tireur olympique engagé par la CIA pour assurer le contrat (un tout jeune Billy Zane, gauche mais investi). Ce premier jet fut un coup de maître, porté par un public plus curieux que jamais sur la condition de ces soldats solitaires, dont l'efficacité mortelle était d'actualité avec le triste siège de Sarajevo en pleine guerre de Yougoslavie, où les snipers firent des cartons sur la population civile, sous l’œil des caméras du monde entier. Loin d'être un brûlot va-t-en-guerre, Sniper était un film lent, hypnotique, et dont le slogan publicitaire "one shot, one kill", résume en tout point le propre d'une mission. Assez éloigné des standards d'un engagement classique dans un conflit où les cibles abondent (les plus grands snipers cumulent tous entre 200 et 350 kills confirmés), le sniper des opérations spéciales est un tueur, le tueur envoyé pour une cible et une seule. Silencieux, il se fond dans le décor, patiente, patiente et patiente encore et toujours pour, le temps d'un souffle coupé, imperceptible, appuyer sur la gâchette et exécuter la mission. Peu glamour, ce profil guerrier a pourtant été porté à merveille au grand écran par Luis Llosa dans Sniper, premier du nom, avec un chapitre introductif qui a fait école, et dans une moindre mesure (car plus orienté grand spectacle), par le Stalingrad de Jean-Jacques Annaud en 2000. Les héros y sont mutiques, concentrés sur la chasse de leur cible, et sans cesse dans le mouvement silencieux, en quête du tir parfait.
Point de tout cela dans cet énième opus de sniper baptisé Ghost Shooter , où les tireurs se déplacent en trois binômes, boivent des bières bruyamment dans un Istanbul de carte postale, usent d'artifices techniques divers (drônes, GPS, une variété d'armes et de munitions assez dingue - AX338, Steyr, Blaser 93, du .338 lapua magnum, du .50 bmg, du 7,52x51 NATO), et sont les employés d'une sorte de service action de l'armée US aux contours mal définis.
L'ennemi, il fallait s'y attendre, c'est Daesh même si jamais le nom n'est évoqué, mais puisqu'on se bat sous drapeau noir en Syrie, on le comprend ainsi. Il y a aussi de vilains tchétchènes, et des rebelles islamistes en Géorgie. Un grand tour du proche orient et du Caucase, où se mêlent armées régulières, mercenaires, commandos et rebelles de tout poil. Au delà du scénario basique et de l'énième trajectoire du "jeune-héro-talentueux-qui-a-une-conscience-mais-finira-par-devenir-une-machine-bien-huilée", on est dépité devant la faiblesse de la réalisation (les situation se répètent à l'envie, peu de rythme, aucune surprise), le peu de réalisme des situations (le sniper qui foire une mission, coûte la vie à un otage, se permet des libertés qui lui vaudrait la cour martiale, manque de créer un incident diplomatique, ment à ses supérieurs, insulte un gradé allié, reste néanmoins un membre à part entière de son équipe opérationnelle), la nullité du jeu d'acteur (mention spéciale à la catastrophique plante verte: Stephanie Vogt), l'impression qu'une partie du casting s'en fiche gentiment (Dennis Haysbert pourtant pas désagréable) ou se trouve largué par la nouvelle direction voulue par la franchise (Billy Zane). Je ne parlerai pas de la musique, anonyme, et des effets CGI, dont certains passages sont douloureux à visionner (ici une station de pompage de gaz pixelisée, carrément incrustée dans un paysage de prairie, là des animations de missiles basiques, ou des explosions de la terrible ogive Hellfire.... qui font penser qu'en Enfer le chauffage collectif doit être en panne)
Deux éléments sont à sauver pour des raisons très différentes. Billy Zane joue son rôle comme s'il était dans une suite du premier opus, et c'est ainsi que chef d'une équipe de tireurs, nous le voyons souvent tirer seul, repérer ses cibles seul, crapahuter seul dans la montagne bardas sur le dos, bref être un tireur solitaire, un sniper à l'ancienne, totalement détaché du coté "bande de potes" que le film nous inflige. Une scène où le Colonel le recadre quand à sa gestion du groupe est éloquente. Pour une raison totalement inconnue, notre vieil ami se fait une rando, fusil sur le dos, dans des sommets indéterminés. Qu'y fout-il? chasse t-il le Dahut? Bambi? où se fait-il des chèvres pour garder la main chaude? Or c'est cette situation dans laquelle nous attendions de voir nos snipers.... et quand celle ci survient, elle semble totalement hors de propos!
Enfin Ravil Isyanov dont on nous sert qu'il croisa Tom Berenger dans le premier, histoire de légitimer son rôle quasi paternaliste d'instructeur pour redresser le trop personnel Chad Michael Collins, c'eut été intéressant si l'acteur avait effectivement fait la pige dans l'original, mais ce ne fut pas le cas (par contre Isyanov jouait deux ans plus tard dans Goldeneye), si il avait été question d'un sniper russe ennemi increvable dans le premier scénario, or le seul antagoniste digne de ce nom a été "réglé" au bord d'une rivière par Tom Berenger, que de légèretés que l'on pardonnera tout simplement parce que ce passage de 15min dans la neige du Caucase est l'un des rares moments où le film prend un tant soit peu de sérieux.
J'oubliais... Saïd.... Saïd... un personnage foireux, un acteur si peu crédible qu'IMDB en fait l'impasse, le "spotteur" de notre héro, le temps de son escapade caucasienne. Que dire sinon qu'à sa vue, du film émane le doux fumer du nanar, alors qu'il ne fut alors qu'un navet. Un rôle gratuit, interprété avec par un trublion des plus désagréables, dégageant tous les signes d'un camé venu taper le carton pour finir les fins de mois. Insupportable. Le film n'avait vraiment pas besoin de cela.
4/10 en étant généreux. Je partais sur un 3 pour sanctionner l'indigence de l'ensemble en regard du premier, mais s'agissant d'une sixième suite.... euh d'un énième épisode de franchise... restons poli !