Tomas est un con. C’est surtout un lâche qui, en vacances au ski dans les Alpes avec sa femme et ses deux enfants, préfère les abandonner à leur sort pour sauver sa peau quand une avalanche menace de les emporter. Ça ne rate pas : voilà la smala sérieusement ébranlée, toute chamboulée soudain par le comportement de ce couard de père privilégiant l’instinct de survie à l’amour familial. Cette démission odieuse, impardonnable même, conforte un malaise plus profond chez Tomas, celui de la remise en question de son couple et du statut de mâle occidental satisfait de lui-même, parvenu, suffisant, hétéronormé et qui s’emmerde. Un homme de son temps quoi.
Mais le pire reste à venir puisque Tomas se défendra de son acte avec un aplomb et une hypocrisie remarquables. On rit, forcément, face à ce type empêtré dans une veulerie sans failles et sans limites, mais on rit jaune parce qu’un vrai malaise finit par s’installer. Les deux grandes scènes de dîner, chacune en présence d’un autre couple comme spectateur (in)direct, gêné évidemment face à cet homme et cette femme qui s’entredéchirent en douce, sont les deux grands moments symboliques (et même programmatiques) du film, questionnant, sous une drôlerie acerbe, les antagonismes flagrants qui, avec le temps, s’installent dans un couple.
Ebba y tente (désespérément) de faire admettre à Tomas la vérité de son acte, ne supportant plus ni sa lâcheté ni l’impact de celle-ci sur leur mariage, alors qu’au loin résonnent sans cesse les explosions anti-avalanches, comme un écho funeste au désastre qu’est devenu leur couple, enseveli lui aussi sous le poids de la désillusion et des apparences. Implacable et féroce (scène jubilatoire où une jeune fille se trompe en draguant Tomas alors qu’elle en draguait un autre), le film de Rubien Östlund aurait pourtant gagné en rythme et en âpreté avec vingt minutes en moins, s’égarant parfois dans quelques à-côtés superflus.
Johannes Bah Kuhnke, découvert dans la série Real humans, est impeccable avec sa tête de mari fat et pleutre contraint, en dernier lieu, d’hurler son désespoir pour penser, à tort, qu’il se sentira mieux (Tomas le fera en haut d’une montagne, et puis d’autres hommes, torse nu et ivres, en feront tout autant en discothèque lors d’une séquence mémorable). Son petit numéro de pleurnichard bruyant laisse songeur : Tomas larmoie-t-il réellement sur son sort d’époux défaillant, ou cherche-t-il un semblant d’absolution dans cette minable fourberie ? Esquive risible pour se faire pardonner et continuer à avancer, avancer droit, droit devant, fier et neuf, la clope au bec, ridicule en somme.
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