Rubik's Man
Si Oliver Stone a réussi à marquer les esprits avec des films comme Platoon, Wall Street, JFK ou encore le sauvage Tueurs nés, cela fait quelques années maintenant qu'il ne cesse de décevoir le...
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le 11 nov. 2016
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Aussi incroyable que ça puisse paraître, il y a encore des gens pour qui, si le nom d'Edward Snowden dit vaguement quelque chose, il n'est pour autant associé ni à la notion d'héroïsme, ni à celle de la traîtrise... Et c'est sans doute à ceux-là que s'adresse avant tout le nouveau biopic d'Oliver Stone. Le réalisateur américain, dont le cinéma s'est en général révélé le meilleur quand il s'attachait à des thèmes et des personnages historiques à la forte dimension politique (à l'exception du sauvage "Tueurs nés", scénarisé par le turbulent Tarantino, ou de "U Turn" avec les excellents Sean Penn et Nick Nolte), revient donc à son domaine de prédilection en nous présentant le parcours de celui par qui le scandale de l'omni-surveillance américaine a éclaté au grand jour en 2013.
Pour ceux qui ne connaissent donc pas Snowden et son histoire, le film commence (après une entrée en matière pleine de suspicion chez des personnages pouvant paraître paranoïaques) par nous présenter un jeune Américain au sens patriotique très développé, profondément marqué par les attentats du 11 Septembre 2001, qui pour apporter sa pierre à l'édifice de la lutte contre le terrorisme s'engage dans les forces spéciales de l'armée américaine. Suite à un malencontreux accident, celui-ci n'est plus apte au service, et décide donc de mettre ses compétences à la disposition de son gouvernement en postulant pour un poste d'analyste informatique à la CIA. Dans le même temps, il fait la rencontre de Lindsay Mills (joliment interprétée par Shailene Woodley, déjà vue notamment dans la saga "Divergente"), une jeune femme pétillante qui deviendra sa compagne, et avec qui il s'amuse à avoir des débats sur leurs vues opposées concernant la politique extérieure des USA. Elle se situe en effet plutôt dans le camp Démocrate et donc opposée à Bush, alors qu'il est un Républicain convaincu, fervent partisan d'une politique plaçant les Etats Unis dans un rôle de police du monde libre.
Snowden une fois engagé à la CIA, commence pour lui un voyage dans le terrier du lapin blanc au cours duquel il découvrira petit à petit, avec une naïveté assez désarmante, que s'il est là pour protéger son pays et son gouvernement via ses compétences en informatique et en cryptologie, les méthodes et expédients auxquels les services de renseignement ont recours manquent cruellement d'éthique, et que malgré son sens du devoir très développé, sa conscience refuse de le laisser fermer les yeux et participer en silence à de telles pratiques. Espionner et manipuler des gens dont il sait qu'ils peuvent représenter un danger pour les honnêtes citoyens ne lui pose aucun problème, mais lorsqu'il s'agit de faire pression sur des innocents dont le seul tort est d'être lié d'une façon ou d'une autre, même par plusieurs "degrés de séparation" à ceux qui sont des cibles légitimes, innocents donc dont la vie n'a plus rien de privé grâce à des moyens techniques qui auraient relevé il n'y a ne serait-ce que 20 ans de la science-fiction, démange de plus en plus son sens moral.
Oliver Stone nous raconte le parcours d'un homme qui finira par choisir de sacrifier son mode de vie confortable au nom de ce qu'il considère comme une liberté fondamentale, celle de l'information, par le biais d'un va-et-vient entre flashbacks et séquences au cours desquelles Snowden se prépare à révéler au monde, via des journalistes choisis (notamment Zachary Quinto, impeccable dans le rôle de Glenn Greenwald), comment la NSA et la CIA espionnent au mépris de leur propre Constitution la planète toute entière, y compris les dirigeants de "pays amis", des sociétés considérées comme des concurrentes des entreprises américaines, et les citoyens lambda de toute la surface du globe, au nom d'une guerre contre le terrorisme via des moyens et des méthodes dont l'efficacité en la matière n'a jamais pu être démontrée, et dont les motivations profondes se révèlent comme nettement moins humanistes mais plutôt impérialistes.
Certains reprocheront à Stone d'adopter une position trop militante, en brossant un portrait uniquement élogieux d'Edward Snowden et en relayant une démarche politique radicale. Et en effet, il fait clairement un choix à travers ce film qui dénonce ce qu'il trouve insupportable, et en affirmant haut et fort et à plusieurs reprises ce mantra : "Remettre en cause notre gouvernement et ses méthodes est le principe même sur lequel les Etats Unis d'Amérique ont été fondés". Ce n'est à mon sens pas un tort, et j'aimerais bien savoir au nom de quoi un film devrait rester neutre en ce qui concerne ce genre de questions fondamentales. Le cinéma d'Oliver Stone a de toute façon toujours été impliqué dans la lutte pour le droit du public à être informé, que ce soit dans JFK, dans Nixon ou en encore dans W. Le cinéma et les arts en général n'ont pas à se contenter de ne porter que des considérations esthétiques, mais ont au contraire le droit, au même titre que la presse, de représenter un contre-pouvoir, un moyen de pousser les gens à se poser des questions et à ne pas simplement avaler tout rond ce que leurs gouvernements leur disent de croire. Eveiller les consciences est même un devoir salutaire dans nos sociétés et notre monde moderne troublés.
En termes de mise en scène, le réalisateur, sans abuser des effets, et dans une rythmique assez sobre, parvient tout-de-même à instiller une véritable tension dramatique dans son histoire dont il fait un thriller d'espionnage assez prenant et efficace. Quelques cadrages et éléments sonores sont d'ailleurs au service de cette ambiance paranoïaque, soulignant l'idée principale du film : plus rien n'est vraiment secret, tout peut être observé, espionné...
L'interprétation du personnage de Snowden par Joseph Gordon-Levitt (déjà excellent par le passé dans Inception ou Looper par exemple), est forte et ultra convaincante. Jusqu'au timbre grave qu'il fait adopter à sa voix pour correspondre à celle de l'homme bien réel qu'il incarne. Sa lutte intérieure entre son patriotisme qui lui dicte de continuer à servir fidèlement son gouvernement, et son sens moral qui lui hurle qu'il ne peut plus cautionner ces abus et qu'il doit dénoncer la terrible hypocrisie d'un pays qui se pose comme le garant de la liberté de par le monde, est palpable, et on partage son dilemme cornélien. Etre fidèle avant tout à sa parole et à ses engagements, mais se laisser ronger à petit feu par sa conscience, ou bien agir au nom de ses principes en sachant qu'il deviendra un paria, que sa vie telle qu'il l'a connue jusque là sera purement et simplement détruite et qu'il sera vu comme un horrible traître par le pays qu'il aime plus que tout?
La question se pose réellement. Beaucoup de gens voient aujourd'hui Edward Snowden comme un héros qui a obligé l'Amérique à regarder en face les extrémités auxquelles elle a recours soit-disant pour se protéger, et qui a révélé au monde entier (avec plus de 1,5 millions de documents pour preuves), que nul n'est à l'abri des yeux et des oreilles de la première puissance mondiale. "Big Brother is (really) watching you" aujourd'hui! D'autres, extrêmement nombreux, voient au contraire en lui un ignoble traître qui a mis en danger la sécurité nationale de leur pays et donné à des personnes potentiellement dangereuses une sorte de mode d'emploi pour protéger le secret de leurs activités, qui devrait être emprisonné, confiné au secret, voire exécuté pour haute trahison (cf un certain Donald T.)... Même un Obama que beaucoup (dont Snowden lui-même) voyaient comme un espoir réel de retour vers une politique internationale et des méthodes plus morales, s'est révélé en fin de compte complaisant envers de telles pratiques, et un juge impitoyable dans sa condamnation des révélations faites par l'ancien espion.
A chacun de se faire sa propre opinion en la matière, et si ce film d'Oliver Stone en propose une grille de lecture certes partisane, il n'en est pas moins intéressant. Il m'a en tous cas donné envie de regarder Citizenfour, le documentaire réalisé par Laura Poitras (l'une des journalistes à qui Snowden a confié ses révélations) et récompensé par un Oscar en en 2015. A voir, donc.
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le 2 déc. 2016
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