Aiguise ta hache, ça va trancher.
J'ai découvert très récemment le cinéma de Bong Joon-Ho, avec The Host plus précisément, et chacun de ses films a été une vrai claque dans ma tronche.
Du coup, mon envie de voir Snowpiercer était au moins quasi proportionnelle à ma méfiance de le voir tourner ici, sa première grosse production américaine.
Et on commence à les connaitre nos amis les américains : ils repèrent un réalisateur étranger qui cartonne assez bien, ils le ramènent chez eux et font tout pour qu'il rentre dans leur moule culturel aseptisé (et souvent en total contradiction avec l'envie, la culture ou les désirs dudit réalisateur)
Nombreux sont tombés dans le piège, certains ne s'en sont même jamais relevés, est ce que ça allait être le cas de Bong Joon-Ho ?
Disons le tout de suite, non.
Bien sûr, certains éléments ont du lui être imposés (comme la présence de Chris Evans, figure montante du cinéma pop-corn qui ne démérite pas) mais au final, on reconnaît assez bien la patte du réalisateur coréen.
Peu de compromis sont faits : des personnages moins lisses, moins caricaturaux dans leur réaction, une violence plus crue mais sans recherche d’esthétisation, un relationnel plus étoffé malgré le nombre de personnages assez impressionnants (avec chacun un rôle et un moment de "gloire") et un rythme moins effréné.
J'ai lu ici ou là que ce film était un joyeux bordel.
Pour moi, c'est mieux que ça. Je vois dans les choix de Bong Joon-Ho une sorte de désir de melting-pot.
Adaptation d'une Bd francobelge, écrit et réalisé par un coréen avec des acteurs américains ( Chris Evans en tête ) , britanniques ( l'excellente Tilda Swinton), coréens ( L'inévitable Song Kang-ho ), un mélange de langue (même en Vf, Song Kang-Ho parle en coréen), de culture , etc,etc . C'est ça Snowpiercer.
Et encore , j'ai l'impression que le VF m'a fait louper des choses.
Et comme à son habitude, Bong Joon-Ho ne démérite pas.
Sa direction d'acteur est parfaite : Il fait jouer l'exagération à Tilda Swinton sans jamais la rendre ridicule, il réussit à écorner l'image de Chris Evans et à le rendre solide face à Song Kang-ho toujours aussi charismatique.
D'ailleurs quel bonheur de le voir accompagné de Ko Asung (qui a bien grandit depuis The Host).
Un choix qui n'est sûrement pas anodin : 2 acteurs de son blockbuster coréens qui se retrouvent dans son premier blockbuster américain, tout est réfléchis, pensé dans ses moindres détails.
Niveau action, les premières scènes peuvent paraître brouillonnes mais elles expriment toute la rage et la violence retenue par les "queutards".
Mais une fois les premières portes franchies, la caméra va se poser, le ryhtme ralentir. Un plan sur un visage, un mouvement , un regard, pas besoin de longs discours , on comprend ce que ressentent les personnages.
Comme je l'ai dis plus haut , la violence est présente mais il n'y a aucune complaisance : elle exprime un ressentiment, un moyen de lutte mais à aucun moment un plaisir.
Bong Joon-Ho prend son temps pour poser son récit , laisse les scène parler d'elle-même ( comme ce moment où tout le monde arrête de se castagner après l'annonce de la nouvelle année ou celle dans la classe )
Au final, je n'ai qu'un reproche à faire à ce film : sa fin.
Une fois passée la discussion entre Chris Evans et Song Kang-Ho (avec une portée émotionnelle assez forte) devant la dernière porte, le film s’embourbe un peu.
On a bien sûr le droit aux dernières explications, aux derniers coup de de théâtre ( plus ou moins résolu par le spectateur attentif ) et cela donne quelques longueurs.
Le réalisateur tombe un peu dans le pêché d'orgueil et ne semble pas savoir ou ni comment boucler son histoire.
Du coup, le bordel n'est plus vraiment joyeux et on se sent un peu dépassé voir déçu.
Et surtout, la toute fin m'a laissé un peu perplexe.
Au final, Snowpiercer n'est peut être pas le meilleur film de Bong Joon-Ho mais il s'en sort avec les honneurs en proposant une vision du blockbuster moins aseptisée, plus sombre, plus réfléchie et donc plus marquante.