Ce film, c'est le futur. Et je veux pas dire par là que l'hiver 2014 enterrera St-Mamet, St-Pancrace et St-Gervais (pour une fois que le JT aurait une raison de parler de météo). Non, je pense qu'il préfigure ce à quoi ressemblera le cinéma demain. Enfin, un certain cinéma.
Comme Pacific Rim, il est international. Et il se contente pas de prendre Penelope Cruz pour faire de la figuration, hein, il est vraiment international. Je vous apprendrai rien en vous disant que Bong Joon-Ho est coréen, que la BD d'origine était française, et que la majorité des acteurs sont américains. Trois continents. Et le train fait le tour du monde et embarque toutes nationalités, ça aussi ça a sa symbolique. Mais le plus important, c'est l'imaginaire. Sur un scénario post-apo plutôt occidental, viennent se greffer une métaphore biblique (l'arche de Wilston) des images typiquement coréennes (le poisson !), mais pas seulement. La mama africaine, les montagnes russes, et bien sûr deux-trois clichés américains, pour au final faire un film à la portée mondiale et d'une cohérence étonnante.
Car la mondialisation (culturelle, je suis pas ici pour parler économie) ne se fait pas comme certains le déplorent par la simple américanisation du monde, mais bien par la création d'une culture mondiale, se superposant sans effacer les cultures locales. On a bien sûr des phénomènes de masse comme Gangnam Style ou The Fox, mais aussi des trucs beaucoup plus souterrains et diversifés. Chaque culture garde sa personnalité dans ce film : capitalisme roi chez Wilston, idéaux de lutte des classes chez Curtis, attitude... coréenne pour Namgoong.
C'est un point de vue, mais pour moi ce type de métissage va juste démultiplier le potentiel artistique des années à venir. Je vous accorde le droit de préférer le bon vieux temps où on avait nos classiques bien français, qui avaient leur qualité. Seulement voilà, passé un point, une culture s’essouffle et doit se renouveler.
Bon c'est secondaire vous me direz. Mais une autre grosse qualité du film est d'avoir su s'inspirer des blockbusters pour arriver à un résultat original. Oui, parce que les blockbusters, avant qu'on en fasse 300 pareil c'était pas une mauvaise idée. Du coup on prend le héros sombre et charismatique, le vieux mentor que tout le monde aime, et le méchant un peu fou, et on les emmène... pas forcément là où on les attend. On vire l'amourette, et on fait bien. La happy end aussi, faut pas déconner. Et surtout on rajoute deux-trois bouts de Corée à l'intérieur du train. Le résultat, c'est quand-même quelque chose de neuf, de frais (et re-Bong, jeu de mot !).
Ce qui me plaît bien dans ce film, c'est aussi l'absence de morale alakon, ce qui somme toute est rare pour un film de ce budget. Là, la morale, si tu en veux une, il faut aller la trouver, et t'as le choix, rien n'est imposé.
Ensuite ce film c'est le futur parce qu'il est beau, maîtrisé. Un presque-huis-clos très bien filmé, deux-trois scènes juste magnifiques, et puis chaque wagon est en monde en lui-même. Et je me plais à croire que le cinéma du futur est beau et maîtrisé. ♪☮♫♥♬⚘♪
Et du coup, à partir du moment où le mec il a compris ce que c'était le futur, on ne doute pas qu'il fait de la bonne science-fiction. Bon il faudrait peut-être qu'il révise un peu sa physique et sa SVT, mais comme ma maman me disait quand je mettais des jeux de mots pourris en titre de critique, on peut pas être bon partout (j'vous bats quand vous voulez à la pétanque).
Au passage, concernant les incohérences, comme pour beaucoup de films (pas tous hein), à partir du moment où on écoute attentivement la maîtresse et qu'on utilise un peu son cerveau (et qu'on accepte qu'un génie ait trouvé le mouvement perpétuel, c'est autre chose, mais bon SF ou pas SF les gens ?) elles disparaissent ou deviennent mineures. Ça serait lourd de contrecarrer un à un tout ce que j'ai pu lire, mais on peut en discuter en commentaires si vous voulez et que vous êtes de bonne foi.
Avec tout ça j'ai oublié de vous parler du jeu d'acteur de Song Kang-Ho (un jour je connaîtrai ces noms par cœur), de ce twist à la Soylent Green qu'on voit venir sans voir venir, et de la fin de l'humanité.