Sept ans après à film de monstre qui a révolutionné le genre de par son traitement qui différait de tout concept hollywoodien (ce film, c’était The Host). Pour son nouveau long-métrage (même s’il y a eu Mother en 2009), le réalisateur coréen Bong Joon-ho s’attaque ici à un autre genre. Un domaine bien plus subtil qu’est celui de la science-fiction. Adaptation d’une bande-dessinée française qui plus est ! En espérant que cela donne autre chose qu’un film du genre Lucky Luke, Les Schtroumpfs ou encore Blueberry.

2031. À la suite d’une manipulation de géo-ingénierie, la Terre connait une nouvelle ère glaciaire, qui a entraîné l’extinction de l’espèce humaine. Enfin, pas tout à fait. Car une poignée de survivants vivent dans un train qui circule sans fin autour du monde. Un train qui va être le spectacle d’une rébellion. Celle des occupants du dernier wagon. Des hommes et femmes vivant dans la promiscuité et la misère qui décident de s’attaquer à leurs « geôliers », les passagers des wagons supérieurs, qui eux profitent d’une vie bien plus oisive et confortable.

Ça ne sent pas pleinement l’originalité, non ? Pour cause, la lutte des classes n’est pas une grande nouveauté dans le domaine de la science-fiction. Rien que cette année, nous avons eu deux autres exemples qui exploraient cette thématique (Upside Down et Elysium). Alors mettez des miséreux se rebellant contre les puissants dans un long train, et franchement, on peut rester perplexe face à ce concept. Et pourtant, vous aurez bien du tort de passer à côté de ce petit bijou scénaristique !

Snowpiercer se permet d’aller encore plus loin que son thème principal. Et cela, nous le devons au décor changeant pour chaque wagon que nos héros vont explorer. Car, en voyant la fin, vous vous rendrez compte que l’histoire ne s’intéresse pas spécialement aux inégalités sociétales. Il va même jusqu’à offrir un portrait peu réjouissant de ce qu’est l’humanité. Être humain serait donc d’éprouver une constante violence en soit (le face-à-face entre les rebelles et les « soldats », les occupants du wagon « boite de nuit » qui se lance à l’assaut de nos héros sur la fin sans raison), une certaine notion de la folie (les miséreux prêts à dévorer les leurs pour survivre, les puissants allant dans l’excentricité en menant une vie de fête et de propagande – le wagon de la classe d’école – pour vivre sur le dos des pauvres). Sans oublier quelques notions d’actualités telles que la drogue (le personnage de Nam et de sa fille, deux wagons transformés en gigantesque orgie) et l’écologie (l’origine de l’air glaciaire, le wagon « serre »…). Se permettant de prendre à sa sauce quelques détails repris d’autres grands titres du genre (comme les pains de viande dont la confection rappelle un peu les pilules dans Soleil Vert).

Mais ça serait plutôt la bande-dessinée que je critiquerais là et non le film, me diriez-vous ! Au premier abord, sans doute ! Mais n’ayant pas lu la bd, je ne fais que raconter ce que le film m’a offert. Et avec toutes ces thématiques assimilées dans une simple adaptation, on ne peut que constater à quel point le film n’est pas une vulgaire mise en image de son modèle d’origine. Snowpiercer ne dépend pas du modèle, il s’agit d’un film à part entière ! Loin de toute convention des blockbusters conventionnels. Nous livrant sur un plateau des personnages hautement travaillés (à découvrir au fur et à mesure que le film s’approche de la fin) et une trame des plus vicieuses mettant en valeur toutes les notions citées plus haut (dont un twist final d’une ampleur démesurée, véritable moment philosophique sur l’humain, qui donne raison à l’existence et à l’organisation de ce fameux train).

Mais le film aurait très bien pu s’arrêter là. Il n’en est rien, le tout se montrant d’une beauté visuelle sans nom ! Pas que les effets numériques soient de grande qualité (les décors extérieurs enneigés du train ressemblent bien plus à du jeu vidéo qu’à du cinéma). Ni que la signature visuelle donne l’impression de voir un énième Sin City, 300 ou Sucker Punch. Non, Snowpiercer, c’est avant tout de véritables décors manuels. Où les comédiens et figurants déambulent dans des wagons en tout point différents (bidonville, prison, cuisine, serre, salle de classe, hôtel de luxe, boîte de nuit, sauna, machinerie…). Mis en valeur par une mise en scène bien loin des conventions hollywoodiennes. Celle qui se permet quelques ralentis véritablement indispensables. Cette caméra qui vibre de temps en temps pour exprimer les mouvements du train. Cette impression de claustrophobie due aux murs des wagons. La violence de certaines scènes, ni gratuite ni légère. La bande originale signée Marco Beltrami, aussi intime que spectaculaire. Tout est fait pour donner des airs de bande-dessinée à ce film. Et c’est grandement réussi !

Sans oublier un casting qui en étonnera plus d’un ! Principalement fait de comédiens mondialement connus. Certains habitués aux blockbusters (Chris « Captain America » Evans, Ed Harris, John Hurt), d’autres aux films indépendants (Jamie Bell, Tilda Swinton). Sans oublier les compatriotes du réalisateur (dont le génial Song Kang-ho). Chacun s’investissant dans leur rôle respectif avec talent et folie (mention spéciale à Tilda Swinton sur ce point).

Hollywoodien sur le papier. Coréen dans le rendu visuel (une mise en scène, il fut le reconnaître, qui en déstabilisera plus d’un). Voilà une adaptation de bande-dessinée, une vraie ! Celle qui n’a pas été influencée par les studios (hormis l’histoire de director’s cut des frères Weinstein aux États-Unis). Qui possède un véritable fond, une histoire d’intérêt et des personnages charismatiques. Qui peut aisément faire oublier l’œuvre originale et exister indépendamment. Bref, un véritable film de science-fiction ! Celui qui peut se placer sans soucis aux côté de Blade Runner, Minority Report et Les Fils de l’Homme. Qui se montre aussi réussi sur la forme que dans le fond.
sebastiendecocq
9
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le 9 nov. 2013

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