Le film d’anticipation serait-il devenu le nouvel eldorado cinématographique ? En effet, les œuvres à caractère futuriste existent depuis les débuts du cinéma mais ces dernières années, elles sont omniprésentes sur nos écrans, réalisant des recettes considérables. Pourtant le contenu est souvent loin de mériter tant d’engouement et il est ainsi possible de se demander : quand seront-elles de nouveau captivantes ? En effet, les films d’anticipation sont le plus souvent une métaphore du monde présent et restent l’un des moyens les plus judicieux pour faire prendre conscience d’une réalité au spectateur. Dans cet ordre d’idée, il y a encore quelques décennies, ils étaient réalisés par des auteurs qui avaient un discours et une esthétique toute personnelle (Métropolis de Fritz Lang ou encore Alphaville de Jean Luc Godard). Mais depuis quelques années les studios se sont emparés du genre et produisent à la chaîne des blockbusters futuristes tous plus insignifiants les uns que les autres en termes de propos et de mise en scène (World War Z, After earth).
Néanmoins, dans cette hécatombe hollywoodienne, Snowpiercer (regroupant pourtant tous les codes du blockbuster sans âme : avalanche d’effets spéciaux, acteurs réputés sans relief) se révèle être une œuvre d’une grande intelligence qui nous conte le devenir de l’humanité, suite à la glaciation de la terre. Malgré quelques défauts de mise en scène (ralentis intempestifs, musique outrancière) et certains traits du récit trop caricaturaux, Bong Joon Ho (plus habitué au tapis rouge cannois (Mother en 2010) qu’aux studios californiens) nous livre un film profond, d’une puissance métaphorique incroyable. A travers son long métrage, il retranscrit ainsi à échelle ferroviaire l’état actuel de la société et dénonce l’exploitation grandissante des pays pauvres par un occident égoïste et déshumanisé. Cette œuvre réflexive nous interroge donc sur notre part de responsabilité et redonne ainsi, dans un paysage audiovisuel de plus en plus aseptisé, foi et pouvoir en l’art cinématographique.