(1972. FR. : Société anonyme anti-crime. ITA. : La polizia ringrazia (la police dit merci ; avec les remerciements de la police)
Vu en VOST, éditions Artus. Chapeau à eux pour cette jolie édition d’un film qui mérite vraiment d’être connu et que j’avais vu il y a fort longtemps dans une version pirate à l’image dégueulasse… ce qui ne m’avait pas empêché d’adorer le film ! A titre personnel, je les remercie aussi de leur réactivité, le premier dvd reçu avait un bug, ils m’en ont renvoyé un nouveau une semaine plus tard ! Bravo à cet éditeur pour son travail et son professionnalisme !)

Rome, années 1970. Dans une ville qui nous est présentée comme gangrénée par la délinquance et le crime, le commissaire Bertone (Enrico Maria Salerno) s’évertue à rendre justice. Mais à l’image du braqueur Betarrini (Franco Fabrizi) qui s'amuse à narguer les forces de l'ordre, la police a bien du mal à faire condamner les fautifs : faute de preuves ! Très sarcastique avec sa hiérarchie, la justice et la presse, Bertone semble en avoir marre d’avoir « les mains liées ». Pendant ce temps, une étrange organisation s’est mise en tête d’éliminer de façon spectaculaire des justiciables relâchés… Bien que Bertone rejette ces méthodes, une partie de ses collègues semble apprécier cette justice expéditive…
Quand on analyse la filmographie du réalisateur Steno, ici crédité pour l’unique fois de sa carrière de son vrai patronyme Stefano Vanzina, La polizia ringrazia fait figure de véritable intrus. En effet, le cinéaste transalpin a surtout œuvré dans la comédie légère avec notamment le grand Totò ou encore le duo Hill-Spencer. D’après ses dires, il était à la base seulement chargé d’écrire le scénario, en compagnie de Lucio De Caro, mais la plupart de ses collègues d’alors ne voulaient pas dire du mal de la police… il s’est donc chargé seul de la réalisation !
Si le film est très ironique, il est curieux de constater à quel point ce film est sérieux, austère, alarmiste, moraliste… Certes Steno nous livre bien quelques scènes comiques, comme cette excellente conférence de presse dans un bus traversant les rues de Rome en pleine nuit ou lors de la séquence de l’arrestation de hippies, où l’un d’entre eux prétendra se nommer… Sartana !
Une ironie mordante qu'on retrouve dans le titre original, dans les nombreuses joutes verbales de Bertone et dans cette fameuse première séquence où l’ex-préfet de police Stolfi (Cyril Cusack), est interrogé par des journalistes sur la situation actuelle, notamment la répétition des braquages et autres rapines. Il sort alors un livre et lit à voix haute :



« Même si Pinocchio n'a rien fait de mal, il se retrouve emprisonné.
L'Empereur décide alors une amnistie. « Que tous les brigands sortent
de leur cage ! » Le pauvre Pinocchio dit alors à son geôlier que si
les autres sortent de prison, il veut sortir aussi. « Toi, tu ne peux
pas sortir ! », répond le geôlier. « Tu n'es pas un brigand. »
Pinocchio lui répond : « Oh, mais je m'excuse ! Vous vous trompez, je
suis aussi un brigand ! » « Mille excuses ! », dit le geôlier. « Dans
ce cas, tu es libre de partir. » En le saluant bien bas, il ouvre la
porte et le laisse partir... »



« Rome est à toi aussi, aide-nous à la garder propre. »


Souvent considéré comme un précurseur du poliziottesco politique, à l'instar de Confessions d'un commissaire de police… sorti un an plus tôt, La polizia ringrazia surfe allégrement, et finement, sur les temps d'alors : la paranoïa des années de plomb et la peur d'un coup d'Etat, le tabou de l’auto-défense (voir à ce titre le véritable phénomène des vigilante movies en cette période) assimilé ici à une pratique fascisante pose pourtant question face à l'inaction, l'impuissance, la corruption de la police et de la justice… et se pose comme une volonté légitime de s'y substituer. D'ailleurs, les "victimes" de cette section spéciale sont jetées près d'affiches, bien réelles, incitant la population à aider les forces de l'ordre : "Rome est à toi aussi. Aide-nous à la garder propre !"
Steno marche donc sur des œufs, soufflant le chaud et le froid tel un équilibriste sur des cendres encore chaudes. Ce qui impressionne aussi, c'est cette faculté à être dans l'actualité, voire à la devancer… Les allusions et références au commissaire Calabresi, flic italien assassiné le 11 mai 1972, trois mois après le film...) sont nombreuses. L'allusion d’un journaliste au meurtre-suicide d’un syndicaliste nous remémorera le cas Giuseppe Pinelli décédé en 1969 (jeté par la fenêtre, accident, suicide ?), sous la responsabilité de Calabresi justement. Bref, on comprend mieux pourquoi le film fut un succès en Italie. Pour en finir avec Calabresi, signalons que la mort de James Whitmore dans Le témoin à abattre et celle de Luc Merenda dans L'accusé, sont des "copies" de l'assassinat du commissaire...


Casting et B.O. 5 étoiles


Outre le toujours excellent Salerno qui remplit à merveille son rôle de chevalier tragique, le casting de ce film est des plus alléchants. Mariangela Melato (La classe ouvrière va au paradis, Nada...) et ses yeux amandes envoutants campe une journaliste amie de Bertone. Il est intéressant à quel point sa filmographie est ponctuée d'œuvres politiques... Parmi les autres actrices, signalons que Laura Belli (La rançon de la peur, Le grand kidnapping) est de nouveau une pauvre victime, et qu'elle a toujours d'aussi longues jambes, et des jupes toujours aussi mini !
Toujours un plaisir de retrouver le grand Mario Adorf (Je suis vivant, Les mutins du Yorik, La lame infernale…) en procureur désarçonné par ce commissaire au bout du rouleau. Une bonne interprétation tout en nuances, rien à voir avec ses géniales compostions dans La mala ordina et Milan Calibre 9, tous deux sortis cette même année 1972.
Parmi les autres interprètes, citons Cyril Cusack (Sacco & Vanzetti, La mala ordina…) en fonctionnaire complotiste, Franco Fabrizi, qui joue magnifiquement les lâches, campe une canaille grand guignolesque , Ezio Sancrotti a quasiment le même rôle que dans le grand kidnapping;
Jürgen Drews, qui était un chanteur allemand, surnommé "le roi de Majorque" !?!, est parfait en salopard de première. Corrado Gaipa, Ferdinando Murolo (la guerre des gangs) et le comique Gianfranco Barra aperçu dans L’accusé complètent ce joli casting.
Enfin, comme bien souvent, bon poliziottesco rime avec Stelvio Cipriani ! Il signe ici une nouvelle BO de grand standing, habillant majestueusement la longue descente aux enfers de notre commissaire et de l'Italie des années 1970...
La B.O. : https://www.youtube.com/watch?v=h8u-Mfge4vI
Une autre critique d'un polar assez semblable avec Salerno, Le grand kidnapping : https://www.senscritique.com/film/Le_Grand_kidnapping/critique/232571362

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le 28 févr. 2021

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