Le film a sans aucun doute été réalisé avec les meilleures intentions du monde. Hélas, le scénario est mal ficelé. On se demande si quelqu'un a relu le scénario avant la réalisation ou même si quelqu'un a regardé le film, avec un minimum d'esprit critique, avant sa sortie. En effet, il y a plusieurs éléments assez improbables dans le film.


Un seul exemple, un soir, au coin du feu, Zara sort d'on ne sait où la photo de son petit frère pliée en deux. Petite contextualisation : Zara est enlevée alors qu'elle est chez elle. Elle est embarquée avec ce qu'elle porte : une jupe et un chemisier, pas de balluchon, pas de sac, rien. Puis, elle passe un certain temps chez un islamiste en tant qu'esclave sexuelle. Enfin, elle parvient à s'échapper et rejoint les combattantes kurdes. A aucun moment, elle ne retourne chez elle. Et pourtant, ce soir-là, elle a une photo de son petit frère sur elle. Quand on la voit sortir cette photo de sa poche, on est assez estomaqué et assez rapidement on se dit que ça doit servir à ce qui viendra par la suite.Effectivement, peu de temps après, le bataillon kurde tombe sur le petit frère devenu un lionceau du califat. Il était important que les combattantes puissent le reconnaître pour ne pas l'abattre et qu'on puisse assister à un happy end. Sauf que l'existence de cette photo à cet endroit-là est improbable.


D'autres éléments du même acabit font de ce film une réalisation à l'esprit assez adolescent.


Passons sur l'évidente fascination de la réalisatrice pour les armes, qui transpire tout au long du film. Mais soulignons tout de même que, pour un film qui se veut féministe, il reprend les codes sexistes de n'importe quel autre film. Malgré la grande familiarité de la réalisatrice avec le féminisme, de toute évidence, elle n'a pas trop pris le temps de réfléchir au traitement de l'image.


Un exemple : à la fin du film, la cheffe kurde tombe dans les bras du chef kurde. De qui provient le désir ? De l'homme évidemment. La femme doit être un peu poussée pour accepter de l'embrasser. Parce que, comme chacun le sait, les femmes n'ont pas de rôle actif dans le désir, il leur faut être un peu poussées par les hommes... Et l'image n'est pas mieux : la femme se retrouve toute petite dans les bras de l'homme, obligée de lever la tête pour regarder ce grand homme. Après l'image traditionnelle du désir masculin actif et du désir féminin passif, nous voilà avec l'image traditionnelle de l'homme protecteur (surplombant la femme). Cette dernière image ravale cette combattante kurde, que la réalisatrice veut forte et exceptionnelle, à l'état de femelle, de petite midinette, alors que le film aurait pu finir sur une image de femme forte au combat et dans son désir.


Bref, c'est un ratage à plusieurs niveaux, même si malgré toutes ces grandes défaillances, on arrive, tout de même, à ressentir 2 ou 3 moments d'émotion assez forts.

MaximeDomergue
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le 9 nov. 2019

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