Sœurs de sang est un film inspiré par le cas des sœurs Krivoslyapova, siamoises enlevées à leur mère, séquestrées et séparées à la scie par des instituts médicaux russes, pas spécialement réputés à l'époque pour leur finesse et leur délicatesse. Une séquence de voyeurisme en forme de mise en abyme avec référence appuyée au Voyeur de Michael Powell introduit le film. Mais la suite n'a rien à voir avec le Voyeur, juste à voir avec...la suite ! Un assassinat d'une grande violence, avec un gros couteau, un gros gâteau d'anniversaire et tout et tout, est perpétré sous les yeux médusés d'une voisine qui alerte la police mais le ou la criminelle a effacé tous les indices. Ce n'est pas confondant d'originalité mais au lieu d'une enquête De Palma va nous entraîner dans un sacré cauchemar de calamar et faire de l'expérimentation artistique. Le physique inquiétant de certains protagonistes, l'emploi de l'écran séparé, des plongées et contre-plongées pour faire monter l'angoisse et le vrai noir et blanc des souvenirs pour accentuer le côté dramatique. Qui voisine avec le faux sans blanc et noir des apparences. L'hôpital psychiatrique sous influence de la Maison du Docteur Edwardes d'Hitchcock est revisité en version glauque dans laquelle les piqûres de sédatifs, l'accueil des délinquants dangereux, le huis clos de l'hosto donnent un effet attendu de malaise.

Ce film d'horreur des débuts à petit budget est assez spécial chez De Palma. Le thème du double comme le genre du slasher y sont revisités, mais avec une surcouche baroque et sanglante en mode giallo. Mais dans ce cas soit on entre dans le jeu, soit on est dégoûté. J'avoue que je n'ai pas spécialement de goût pour les ambiances morbides, les chambres d’hôpital et la poésie des blocs opératoires. D'autant que l'intrigue souffre d'explications psychanalytiques farfelues et incompréhensibles et qu'il faut donc laisser sa cervelle posée sur la tête en mode stand by pendant la durée du film. Et il y a assez peu d'action au final. En résumé on y croise les sœurs Eros et Ethane Athos, mais pas les sœurs Portosse et Sarah Miss. La priorité n'a pas été donnée à l'explication rationnelle mais à l'esthétique et aux images-choc. L'entreprise est à moitié sauvée par l'interprétation de Margot Kidder dénommée Danièle Breton en hommage à André Breton le pape du surréalisme. La maigreur et la myopie de William Finley sont elles aussi bien exploitées. Le tournage s'est terminé par une journée ininterrompue de 24 heures de travail: la fatigue du metteur en scène, des acteurs, des techniciens se ressent bien dans les dernières images et la conclusion à l'arrache.

Avec la contribution de Bernard Herrmann à la musique, Sœurs de sang consacre De Palma en cinéfils d'Hitchcock et annonce les futurs succès sur le thème du voyeurisme et du sanguinolent: Pulsions ou Body Double. Pas de rédemption ni de happy end, on est pas chez Lébize ou Nours. Après bien des tâtonnements, De Palma avait enfin trouvé sa voie, en suivant la route sanguinolente tracée par le grand Guy Nioll.

[critique écrite en 2022]

Zolo31
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le 18 avr. 2024

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