Ainsi, c'est avec Sisters que Brian naquit au cinéma. Je veux dire tel qu'il est reconnu, aimé par beaucoup, conspué par d'autres. Il avait déjà à son actif quelques panouilles mais sa filiation évidente avec Alfred Hitchcock commence ici. Et la présence de Bernard Hermann à la musique n'est évidemment pas étrangère à ce parfum.

De retour à Hollywood après une première expérience difficile pour la Warner ("Get to Know Your Rabbit" ), traumatisé par ses relations et le vol/transformation de son bébé, il est spolié par le studio. Cet épisode engendrera Phantom of the Paradise quelques années plus tard, où un producteur sans scrupules vole l’œuvre d'un autre. Comme un goût d'autobiographie.

Lorsqu'il revient sur la Côte Ouest, pour Noël 1971, après un retour à N-Y, il est hébergé par Jennifer Salt, actrice qu'il aura déjà fait tourner (au ciné, pas avec ses potes) dans ses premiers essais. Elle partage sa maison avec une jeune actrice Canadienne, Margot Kidder.
La maison est le lieu de rendez-vous du gratin de la jeune garde du cinéma américain. Les Scorsese, Spielberg, Walter Hill, John Milius ou Paul Schrader refont souvent le monde dans le salon. L'émulation est permanente et, de fil en aiguille, Brian tombe sous le charme de Margot et lui offre, pour Noël, un rôle dans son prochain film.

Marqué par un reportage dans Life Magazine sur des sœurs siamoises russes quelques années auparavant, Brian est surtout piqué par une photographie représentant les deux frangines. L' une semble joyeuse, enjouée, tandis que l'autre paraît amorphe, littéralement sans vie.
Il en profite pour aborder des thèmes qui habiteront son cinéma à longueur de métrages : fétichisme, sexe et sa pulsion organique, désir, sang, voyeurisme, et schizophrénie, avec un film plus intime qu'il n'y paraît, comme un écho à son propre parcours, une manière de se débarrasser de son propre double, de son"siamois", le réalisateur indépendant forçant à nouveau la porte des grands studios pour s'y épanouir.

Budgété à 600 000 Dollars, tourné en 8 semaines, De Palma "story-boarde" pour la première fois tout son film. Processus qu'il reproduira pour tous ses films suivants.
Mi-thriller commercial, mi-film d'auteur, Sisters est un film hybride, maladroit mais annonciateur de ce que va devenir le barbu, glabre à l'époque.

Préférant s'insérer dans le système plutôt que d'être le porte étendard d'une contre-culture New-yorkaise à la Cassavetes, De Palma "surréalise" son récit, s'éloignant de la description fidèle d'un fait divers et donne une nouvelle orientation à son cinéma.
L'art de la variation sur les thèmes, la grammaire cinématographique, les histoires, les personnages d'Alfred Hitchcock , il y ajoute une tension sexuelle permanente, une perversité assumée, et une grandiloquence qui dégouline un peu mais à la générosité tellement sincère qu'elle touche forcément les gens qui ont un cœur.

Brian entame sa métamorphose. De cinéaste du réel, il devient cinéaste du fantasme.

Et se laisse pousser la barbe.
DjeeVanCleef
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le 14 juin 2014

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