Soleil de plomb commence par une scène de complicité entre deux jeunes gens qui semblent très amoureux, au bord d’une plage ensoleillée. L’ambiance est paisible, même si on sent rapidement une présence militaire inquiétante en filigrane. C’est sur cela que repose le double sens de la traduction française du titre : les entrelacements entre un amour véritable mais interdit, et un conflit politique, militaire et donc social influant sur la vie des habitants de deux villages voisins. La douceur d’un été alourdi par le plomb des balles au sein du conflit Serbo-Croate.
Enfin, plus exactement, la douceur de trois étés, car le quatrième film de Dalibor Matanic est composé de trois histoires en une, reliées par ce thème de la vie sentimentale pris dans un conflit militaire. On pourrait penser, de prime abord, que dans ce triptyque réside la principale force du long métrage. Or, au-delà de ces trois histoires, qui d’ailleurs ne brillent pas particulièrement par leur originalité, l’intérêt du film se trouve davantage dans le trouble temporel que crée le film par les liens entre ces trois histoires.
Ainsi, le film est découpé en trois décennies, d’abord pour dresser un tableau exhaustif du conflit et ses répercussions à travers trois générations, mais aussi pour dérouter le spectateur en créant une continuité temporelle qui n’a pas tout à fait lieu d’être. En effet, les histoires rejouent une dynamique de couple, ou en tout cas de rencontre entre un homme et une femme, interprétés par les mêmes acteurs. De fait, les personnages se ressemblent beaucoup sur certains points : ils viennent du même pays, ont la même famille, et sont vieillis pour correspondre à l’époque. Pourtant, ils n’ont pas les mêmes prénoms, certains détails de la dynamique familiale changent, et surtout, les morts reprennent vie.
Sans jamais chercher à inutilement complexifier le récit, ces paradoxes temporels portent justement tout le propos du film, en faisant de ces deux villages un symbole de l’impossibilité d’avancer pour ces deux pays, pris dans un conflit destructeur d’habitations et de vies. Mais il serait de mauvaise foi de dire que seul le propos politique tient le film, car la justesse des sentiments déployés au cours des trois histoires successives est tout autant une preuve de la réussite du film.
Si l’on excepte un plan particulièrement osé au milieu de la seconde histoire, Soleil de plomb ne fait preuve d’aucune faute de goût ni de caractérisation maladroite. Au contraire, l’ensemble est généreux, parfois éculé mais traité avec une sensibilité indéniable et parfois même une pointe de mélancolie en accord avec la douceur de sa période estivale.
A retrouver sur mon blog.