Obscure dépression
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le 16 avr. 2025
Le tout début nous montre madame Cai (Yu Aier), la quarantaine, attendant à l’intérieur de sa voiture dans un parking souterrain. Elle reçoit un appel anonyme et semble quasiment en état de choc. Puis, elle va chercher Lin (Di Shike), sa fille adolescente au lycée, comme si elle y avait ses habitudes (y aurait-elle travaillé ?) Ainsi, elle entre dans un immense gymnase où on joue au basket et elle demande après Lin à un enseignant. Elle attend sur le bord du terrain lorsqu’elle reçoit un ballon derrière la tête. Une voix de garçon, pressante, lui demande de le renvoyer, ce qu’elle fait dans un geste d’agacement.
Malheureusement, le ballon frappe une vieille dame (que faisait-elle là ?) qui se retrouve au sol et qu’on emmène à l’hôpital. Cet incident sert probablement de révélateur pour madame Cai dont l’état psychologique peut l’amener à commettre des actes qu’elle regretterait finalement.
Au fil des événements d’un film au rythme lent et à l’ambiance oppressante, on sent madame Cai dépressive. Un dialogue avec Lin nous apprend qu’elle se dispute souvent avec son mari.
Cela contribue évidemment au malaise de la jeune fille qui vient de décider d’abandonner son équipe de basket, alors qu’elle en constitue un pilier et que cela pourrait lui rapporter des points pour un futur diplôme. Plusieurs situations nous montrent madame Cai en victime de persécutions diverses, comme si on pouvait lui reprocher par exemple son train de vie, alors que cette mère au foyer doit supporter la présence de sa belle-mère assez dépendante (Alzheimer ?) à la maison. De plus son propre père vient d’être hospitalisé. D’ailleurs, la famille de celle qu’elle a blessée involontairement souhaiterait une compensation financière.
Ayant pris sa décision (enfin), madame Cai emmène sa fille en voiture. Lors d’un tête-à-tête, elle lui fait des révélations qui remontent jusqu’à la génération de ses parents, donc des grands-parents de Lin. Un drame familial jamais vraiment digéré pourrait donc être à l’origine de l’état dépressif de madame Cai. Celle-ci n’y voit qu’une seule issue :
le divorce d’avec son mari.
Some Rain Must Fall s’avère à l’image de l’état psychologique de madame Cai, personnage enfermé dans sa souffrance. L’image au format 4/3 et des couleurs à dominante très sombre soulignent son enfermement mental. Cela s’améliore timidement lorsque la mère emmène sa fille en voiture. Un plan large (sensation d’espace) les montre de nuit, sur une voie rapide avec un éclairage jaune-orange blafard, alors que l’autoradio diffuse une chanson enjouée. Une fois que madame Cai a pris sa décision, qu’elle en a informé sa fille et qu’elle lui a fait les révélations qu’elle estime devoir lui fournir à ce moment-là, elle l’annonce à son mari de façon assez naturelle, sans que cela provoque le moindre éclat. Alors seulement, la luminosité de l’image s’améliore.
On note cependant quelques points révélateurs. Ainsi, madame Cai reste inexpressive du début à la fin. Même lorsqu’elle accepte de faire l’amour avec son mari, probablement pour la dernière fois. Le seul moment où elle baisse un peu la garde, c’est dans un tête-à-tête de nuit avec son mari, sur leur balcon-véranda, quand elle lui demande de rester encore un peu, sachant qu’ils ne partageront plus ce genre de moment.
Par contre, lorsqu’elle consulte son dentiste et qu’il lui dit que sa dent cariée est cassée, qu’il va devoir d’abord la nettoyer et que cela risque de lui faire mal, elle supporte la douleur sans broncher, alors même qu’une larme roule jusque vers son oreille. Cela me semble particulièrement symbolique de son habitude à supporter la souffrance.
On devine qu’elle mûrissait sa décision depuis longtemps.
D’une durée raisonnable (1h38), coproduction internationale, ce premier film du Chinois Yang Qiu (réalisateur-scénariste) bénéficie d’un travail soigné sur son image (Constanze Schmitt, directrice de la photographie), la mise en scène établissant une ambiance qui rend parfaitement compte de la détresse de madame Cai qui vivait pour sa famille et du milieu dans lequel elle évolue. On note une belle capacité à jouer avec le hors champ (exemple avec la vieille dame envoyée à l’hôpital au début, jamais présente à l’image) ainsi que l’utilisation de la technique de l’ellipse pour laisser au spectateur le soin de compléter des informations. Malheureusement, cette maîtrise technique nous vaut un film aussi dépressif que son personnage central. On souhaite un sujet et des personnages plus enthousiasmants pour le prochain film de Yang Qiu. Enfin, le film néglige plusieurs points cruciaux :
de quoi madame Cai vivra-t-elle une fois séparée et quel sera le devenir de Lin ?
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Créée
le 9 avr. 2025
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