Michel spinosa est un cinéaste rare, avec à son actif seulement 4 longs métrages sur 20 ans. L'extrême discretion de sa série cinématographique peut être une variable explicative de l'intensité qui se dégage de chaque oeuvre. On sent qu'il y a énormément de travail, et notamment d'écriture, derrière chaque film.
Son épouse en particulier est un film très écrit, malgré des scènes qui pourraient s'apparenter à de l'anthropologie documentaire. Il raconte l'histoire de Joseph, avec en filigrane celle de son épouse Catherine. Joseph (Yvan Attal) découvre en réunion publique la toxicomanie de sa femme dans une scène très poignante où Charlotte Gainsbourg se montre une fois de plus très talentueuse. Il en accepte l'augure avec beaucoup de bienveillance jusqu'à ce que Catherine, enceinte, accouche d'un enfant mort-né, et qu'il l'accable de reproches, dans une des plus belles scènes du film, extrêmement émouvante. Très vite, Catherine disparaît, et est retrouvée morte sur une plage pas loin de Madras...
Le film se déroule selon un rythme de va-et-vient entre la France et le sud Tamoul, de va-et-vient entre le passé et le présent, et entre tradition et modernisme. Joseph part en Inde , et tombe frontalement dans une histoire de possession, où une amie de Catherine, Gracie, se dit possédée par le "pey" de Catherine, son esprit malfaisant. Gracie se présente comme Catherine, l'épouse de Joseph.
Ce titre, "son épouse" , en dit long sur l'histoire que Spinosa veut raconter, une histoire'd'amour, comme dans Anna M. ou dans emmène-moi. Des histoires où on ne fait pas semblant d'aimer, où une femme peut se définir et se présenter au monde comme étant "son epouse", l'épouse l'homme qu'elle aime, de l'homme sans lequel sa vie n'a pas de sens...
Que ce soit d'ordre surnaturel ou métaphorique (Gracie pourrait être possédée par la culpabilité de n'avoir pas pu garder son amie en vie), les incursions de Spinosa dans les rituels et croyances indiens ne relèvent jamais du folklore. Ils sont présentés dans une quête globale d'apaisement pour tous les personnages, trouvent un écho compréhensif auprès de Joseph qui ne demande qu'à y croire, afin de se donner une chance de se faire pardonner par Catherine /Gracie...
La relative lenteur du rythme est tout à fait bienvenu, comme pour laisser aux uns et autres le temps de s'apprivoiser, de se connaître, et in fine de s'aimer.
Un film magnifique qui laisse à l'émotion toute la possibilité de se développer, en nous emmenant loin, très loin, hors de nous, pour sans doute mieux nous retrouver ensuite...