Film tardif, Sonate d’automne permet la rencontre au sommet entre deux Bergman qui ne partagent que le patronyme, Ingrid et Ingmar, et donnent l’occasion à la comédienne un retour au pays natal par l’entremise du grand cinéaste national.
C’est peu de dire que le réalisateur intègre la star hollywoodienne dans son univers : dès les premiers plans, tout ne semble qu’auto-citation : la confession face caméra du mari au spectateur, le couple bancal qu’il forme avec son épouse, le huis clos étouffant permettant les révélations cathartiques, les règlements de comptes verbaux, rien ne manque. Bergman reprend sa partition, et, il faut le reconnaître, la leste un peu en voulant introduire de multiples sous thèmes. Le rapport mère fille était déjà bien chargé, mais le voilà qui s’adjoint d’une sœur handicapée, d’une épouse frigide, d’un enfant mort et d’un avortement adolescent… La facture est longue.
Le cinéaste n’en réussit pas moins la majeure partie de ses séquences, épaulé comme toujours par des comédiennes d’exception, Ingrid Bergman parvenant à se mettre au diapason de l’indépassable Liv Ullmann. Le jeu des couleurs, moins manifeste que dans Cris et Chuchotements, accompagne le duo : la mère et ses robes éclatantes en contraste avec l’univers moiré du presbytère, un automne qui semble être aussi bien climatique que sentimental.
La communication est, d’emblée, vérolée. La mère est en perpétuelle représentation, enfermée dans son rôle international et grandiloquent, une cinglante leçon d’humilité du réalisateur à l’actrice hollywoodienne. Les vérités éclatent, mais, comme toujours, sans effet réel ; il semble que la révélation soit avant tout destinée au spectateur, les personnages ne parvenant à réellement se libérer de leurs démons et de leur comportement.
Le relais pourrait passer par la musique : c’est une superbe – et cruelle, Bergman ne se refait pas – leçon de piano sur Chopin qui cristallise toutes les tensions entre les deux femmes. On ébauche ici ce qui fera tout le langage des personnages dans Saraband, une émotion qui quitterait enfin la prison des mots.
C’est donc, comme souvent dans son œuvre, dans la distance qu’une possibilité de rédemption s’ébauche. Qu’il s’agisse de la musique, ou de la forme apaisée de la conversation, la lettre, Bergman laisse surgir des motifs d’espérance. Débarrassé de son interlocuteur, et par conséquent de l’obligation de porter un masque social, l’individu peut se laisser aller à la confidence, voire, phénomène rarissime, à la tendresse. Le point d’harmonie appartient à la musique, pas encore à la partition accidentée qu’est le rapport entre les personnes.
(7.5/10)