Il y a maintenant un certain temps que je voulais écrire une critique sans jamais sauter le pas. Si vous êtes sur cette page, vous vous apprêtez donc à lire ma première (et peut-être dernière) critique. Faites donc preuve d'indulgence ! Je vous conseille bien sûr de voir le film avant de lire ces lignes (ce n'est pas long, le film dure moins d'1h30).
Comme premier film, j'ai choisi de m'atteler à Sonate d'automne, d'Ingmar Bergman, datant de 1978. Je l'ai vu hier soir et je dois avouer que j'y pense pas mal, assez selon moi pour vous faire partager noir sur blanc mon avis sur ce petit chef d’œuvre.
Ce film est bien évidemment marquant par la mise en scène de deux brillantes interprétations de deux actrices de légendes qui s'opposent : Ingrid Bergman et Liv Ullmann. La première peut se vanter d'avoir eu ici un dernier grand rôle, à la hauteur de sa réputation, pour lequel elle fut nommée à l'Oscar de la meilleure actrice en 1979. Peu d'actrices peuvent en dire autant. La seconde, que je ne connais pas beaucoup mais qui selon un de mes éclaireurs est aussi brillante, n'a pas à pâlir et tient tête à la comédienne de Casablanca. Mais avant tout, Sonate d'automne a retenu mon attention et hante encore mes pensées car il traite d'un thème qui m'est très cher : la famille et plus précisément les relations qui l'anime, des relations puissantes et pérennes, qui peuvent être gouvernées par la passion, la fidélité, l’incompréhension, l'amour et j'en passe. Ici, on peut parler d'une relation clairement destructrice entre une mère (Charlotte jouée par Bergman) et sa fille (Eva jouée par Ullmann), d'une relation qui, comme une plaie qui ne cicatrisera jamais vraiment, se déroule plutôt bien quand on la soigne mais qui s'anéantit aussi facilement que du papier brûlé quand on en arrache le pansement. Je dois avouer que j'aime encore plus ce genre d’œuvre voyant des individus partageant le même sang se déchirer. Je crois qu'Hitchcock a avoué que son film favori était L'ombre d'un doute car ce dernier place la violence là où elle se doit d'être, dans la famille. Je ne suis pas totalement sûr de cette affirmation mais en tout cas, j'adhère totalement. Dans quelle famille n'y a-t-il pas de tensions, de haine ?! Regardez Festen et vous comprendrez encore mieux !
La première partie du film est dominée par la performance d'Ingrid Bergman. Très rapidement, elle apparaît pour mettre un peu de chaos dans l'environnement paisible où vivent sa fille Eva et son mari, sur le bord d'un fjord. L'actrice, qui a vieillit de toute beauté, joue avec justesse et façonne un personnage un peu excentrique, égocentrique. L'actrice joue même l'actrice pour pouvoir faire face à un court entretien avec sa plus jeune fille, Héléna, handicapée. On se rend ainsi rapidement compte des nombreux défauts de cette matriarche, sans pour autant avoir idée de l'aspect ravageur de ceux-ci sur sa descendance. Ingmar Bergman, en près d'une heure et demie, fait monter crescendo la tension entre les deux personnages principaux grâce à une réalisation modeste selon moi mais terriblement efficace. Concernant cette réalisation, je tiens à souligner l'utilisation selon moi très pertinente des flash-back. Ceux-ci mettent en scène les personnages du film dans des plans larges. Charlotte, Eva, et les autres ne sont vus et ne peuvent qu'être observés de loin. Bien évidemment, cela permet de nous faire comprendre que le passé est derrière eux et qu'il ne peut être modifié. Mais cette explication qui finalement peut s'appliquer à tous les films prend dans Sonate d'Automne tout son sens. En effet, ces retours en arrière relativement statiques, ternes, sans sentiments heureux, justifient parfaitement la relation actuelle entre Charlotte et Eva et comment elle a pu arriver à un tel point de fragilité.
Vous comprendrez davantage en lisant la suite.
Liv Ullmann règne sur la deuxième partie du film même si son personnage est des plus intéressants dès le début de l’œuvre où elle m'a paru un peu paumée. Elle est comblée de l'arrivée de sa mère mais fait part en même temps de ses réserves la concernant à son époux. Mais cette impression n'était qu'une apparence. Eva, qui a cumulé les épreuves dans sa vie, parvient effectivement à se dresser face à Charlotte et apparaît plus forte que jamais. Dans cette troublante confrontation, elle joue à la perfection. Elle est si impeccable qu'on pourrait croire qu'Ullmann est vraiment la fille de Bergman et que le poids de sa haine et de sa détresse ferait même s'effondrer le plus fort des individus. Et oui, quoi de mieux qu'une famille pour aimer... et haïr ! Parallèlement, Héléna réclame une mère qu'elle n'a jamais eue, renforçant le caractère quasi-tragique de l'affrontement entre Eva et Charlotte et de la sorte, l'idée que cette famille est brisée et que les morceaux ne pourront jamais véritablement se recoller.
Finalement et comme à son habitude, la mère s'échappe au lieu d'affronter ses quatre vérités et laisse la fille seule face à ses démons. Mais comme je l'ai expliqué plus haut, la plaie vive, qui existera éternellement, peut s'apaiser en la soignant, ici par le pardon. Les liens du sang sont si puissants, tellement puissant que la fille reviendra toujours vers sa mère, quel qu'en soit le prix à payer. Mais on ne peut qu'apaiser la plaie, jamais s'en débarrasser définitivement.