Boots Riley nous offre pour son premier film une satire mordante du milieu de la télévente, de l'entreprise, de l'aliénation et de la soumission totale de l'individu au sein d'un monde du travail qui dévoile son coté inhumain à chaque instant, et en profite pour tourner en dérision de nombreuses particularités de nos amis américains (et sans doute un peu des nôtres) , à travers le portrait qu'il fait de l'ascension de Cassius Green, incarné magnifiquement par l'excellent Lakeith Stanfield, au sein d'une boite de télémarketing lorsqu'il apprendra à utiliser sa voix de blanc pour booster ses ventes.


Le réalisateur et scénariste taille un costard à l'Amérique et au néo-libéralisme triomphant en oubliant jamais d'en rire. Le film est délirant, volontiers surréaliste et outrancier et tape pendant 1h30 sur tout ce qui bouge avec une joie contagieuse.


On y retrouve une moquerie cynique de nombreux sujets, qui, si elle en reste drôle, ne s'en teinte pas moins d'une pointe d'amertume qui donne aussi au film une certaine gravité.
On y trouve une critique du racisme larvé (voix de blanc, noir à qui on demande de rapper), de l'impossibilité de s'organiser face aux pouvoirs des entreprises et de leurs partenaires (échecs des syndicats et même manipulation de l'opposition en créant de faux révolutionnaires), des divertissements stupides et abêtissants omniprésents et bien sûr du culte du productivisme et de sa volonté de résumer l'humanité à trois catégories bien distinctes: des produits, des consommateurs, et de la main d'œuvre.


La cerise sur la gâteau se situe sans doute dans la découverte du produit phare vendu par les "power caller": la vente d'esclaves à travers l'entreprise Worryfree (les noms sont évidemment choisi pour leurs qualités sarcastiques).
Ne s'arrêtant pas en si bon chemin, le CEO de RegalView (décidemment) finira par trouver que les homos-sapiens ne sont pas encore assez dociles et envisage une nouvelle étape de l'évolution pour le bien-être de la croissance éternelle. Amen.


Tout ça est franchement chouette pour qui veut bien se laisser entrainer dans le délire proposé et accepte le coté excessif nécessaire à la satire en forme de constat à la fois rigolarde et déprimante dans laquelle Boots Riley veut nous entrainer.
Le film souffre un peu dans son dernier tiers et franchit la ligne d'arrivée à bout de souffle et un peu victime de ses propres excès, mais a tout de même l'intelligence de se clôturer avant de devenir lourdingue.


Sorry to Bother You est une claque dans la gueule en forme de farce; une méchante petite fable qui nous demande pardon de nous déranger pour nous montrer une vision du monde effrayante et dystopique, qui, aussi amusante qu'elle puisse paraître, n'en reste pas moins profondément angoissante et dont les excès cachent mal une description du monde trop proche du réel pour qu'on puisse en rire sans que s'instille un certain malaise destiné à nous secouer dans un contrepied plein d'ironie de son propre titre.

Samu-L
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le 17 nov. 2021

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Samu-L

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