Sortilèges
6.6
Sortilèges

Film de Christian-Jaque (1945)

Christian-Jaque et Jacques Prévert signent tous les deux cette adaptation pour un film à l'ambiance assez unique avec son village isolé et enneigé, baignant dans une ambiance poético-fantastique qui déploie un pouvoir de fascination immédiat.
Le réalisateur semble vraiment inspirée et livre un film visuellement somptueux avec une mise en scène assez baroque, presque expressionniste par moment et déploie un savoir faire permanent. Avec ses travellings décadrés, sa profondeur de champ, son tournage en décor naturel, ses lieux exigus, son découpage refusant l'académisme, ses longs mouvements d'appareils, Christian-Jaque ne demande vraiment pas la facilité à ses opérateurs (je pense à quelques travellings assez complexes avec gros plan, trajectoire circulaire puis mouvement arrière, le tout de nuit en forêt hivernal ou le final très inventif lors de l'incendie qui n'aurait pas dépareillé dans un fantastique Universal des années 30). Loin d'être de la démonstration gratuite ou de l'esbroufe, cette technique virtuose installe immédiatement cette ambiance onirique, lyrique, quelque part assez malsaine. Le cinéaste n'y va vraiment pas avec les pincettes et le dos de la cuillère même quand il doit mettre en scène une scène romantique qui devient en opérette de carte postale avec un sérieux imperturbable. C'est aussi ce qui en va sa force, encore aujourd'hui.

L'irréalité opaque des images est en osmose avec son scénario jouant volontairement de son aspect artificiel avec des dialogues sur-écrit et une direction d'acteur théâtralisé. Mais ce scénario qui fonctionne à merveille quand il est dans la mise en place et dans la pure atmosphère fonctionne moins bien quand il doit s'aventurer dans le narratif. Pas mal de stéréotypes et de passage prévisibles (histoire d'amour, évolutions psychologiques, raccourcis) qui n'évitent pas quelques longueurs et baisses de régime. C'est d'ailleurs dans ces moments là que la réalisation de Christian-Jaque est la moins créatrice et tombe dans quelques répétitions de certaines figures de style.

Mais dans l'ensemble, Sortilège est un vrai petit bijou méconnu dans la carrière insaisissable de son auteur qui mérite vraiment une plus large diffusion. C'est un peu un ovni mais ce caractère très particulier en fait toute l'originalité.
anthonyplu
8
Écrit par

Créée

le 22 juin 2012

Critique lue 1K fois

4 j'aime

anthonyplu

Écrit par

Critique lue 1K fois

4

D'autres avis sur Sortilèges

Sortilèges
m-claudine1
8

Le Cavalier de Riouclare

Sortilèges est un des exemples les plus caractéristiques du cinéma français des années 40, élaboré dans les dures conditions de l'Occupation et adoptant un genre proche du cinéma fantastique, sans...

le 13 janv. 2020

18 j'aime

19

Sortilèges
anthonyplu
8

I put on spell on you

Christian-Jaque et Jacques Prévert signent tous les deux cette adaptation pour un film à l'ambiance assez unique avec son village isolé et enneigé, baignant dans une ambiance poético-fantastique qui...

le 22 juin 2012

4 j'aime

Sortilèges
AMCHI
4

Critique de Sortilèges par AMCHI

Sortilèges est un vieux film poussif qui a du mal à attirer notre intérêt. Je m'attendais à un film plus noir et mystérieux et on se retrouve avec un vieux mélo bavard possédant une intrique qui...

le 5 févr. 2023

2 j'aime

Du même critique

A Taxi Driver
anthonyplu
7

Maybe you can drive my car

L'ancien assistant de Kim ki-duk revient derrière la caméra après 6 ans d'absence. Il porte à l'écran une histoire vraie, elle-même plongée au cœur d'une page sombre de l'histoire sud-coréenne soit...

le 22 oct. 2017

16 j'aime

1

Absences répétées
anthonyplu
9

Absences remarquées

N'ayons pas peur des mots : voilà un chef d'oeuvre déchirant. C'est une sorte de cousin Au Feu follet de Louis Malle avec cette solitude existentielle et son personnage dans une fuite en avant vers...

le 8 oct. 2014

12 j'aime

2

Daisy Miller
anthonyplu
8

Miller's time

Devenu extrêmement rare, cette adaptation de Henry James est pourtant une merveille d'intelligence et d'écriture grâce à la structure du récit et à l"évolution de sa mise en scène au travers de ses...

le 17 avr. 2017

10 j'aime