Soul
7.4
Soul

Long-métrage d'animation de Pete Docter et Kemp Powers (2020)

Si on cherche le point de départ d'une crise identitaire chez Pixar, on pourrait objectivement le situer en 2010, quand Woody et ses acolytes sonnaient la fin de la récré avec Toy Story 3. Le signal que le chamboulement industriel opéré par Disney allait irrémédiablement changer la face du studio à la lampe Luxo. Depuis, si on oublie les suites inutiles et les films réalisés par de nouveaux venus, chaque Pixar mené par les éléphants du studio semble avant tout parler de...Pixar. Vice-Versa annonçait la difficile transition d'un âge vers un autre, Coco jonglait avec le notion de mort,d'héritage et d'oubli. Même le moins réussi En Avant avait tout du bulletin de santé alors que les bureaux d'Emeryville se cherchait un "père" suite au départ de John Lasseter. Thématiquement, Soul est néanmoins plus proche des deux premiers, dont il vient clôturer les enjeux.
Grand objet théorique, sûrement moins accessible aux plus jeunes, ce nouveau film tient autant de l'exercice thérapeutique que du baroud d'honneur. Difficile de voir un hasard quand plusieurs totems du studio (la camionnette Pizza Planet, la baleine de Nemo, le dirigeable de Là-Haut,...) errent dans une sorte de mausolée pour l'inspiration (appelé le Grand Bazar).
Au travers du voyage de deux âmes en quête d'une vocation, aux frontières de la vie et de la mort, c'est bien le studio qu'on devine en filigrane. Arrivé à un point où les angoisses sont arrivées à leur paroxysme, Peter Docter (réalisateur des classiques Monstres et cie ou Là-Haut) et Kemp Powers encapsulent ce moment de suspension où déboulent les questions fondamentales. Quels sont les buts essentiels de l'existence, comment et où (re)trouver l'inspiration ? Si on regarde dans le rétro, tous les films Pixar parlent de résilience, d'accepter les épreuves un sourire aux lèvres et les yeux embués. À ce niveau, Soul ferme donc la marche. Et de quelle façon ! Malgré les évidentes similitudes avec Vice-Versa, l'univers entre les fulgurances abstraites (le Grand Avant et ses gardiens filiformes) et le photo-réalisme urbain est d'une beauté à en pleurer. Le rythme se fait également parfaitement resserré, multipliant les idées dans le comique, la métaphysique et le pur trip. Le grand écart stylistique (extrêmement casse-gueule) se retrouve également dans la direction musicale. Les compositions de Trent Reznor et Atticus Ross accompagnés de Jon Batiste, mêlant expérimentations électros et balades jazz, touchent à une harmonie incroyable. S'il y a une ou deux petites choses qui manquent pour élever Soul au rang des inoubliables, elles concernent le temps passé au Grand avant, pas assez conséquent pour en découvrir assez. Et la toute fin qui - si elle ne perd rien en émotions - semble légèrement arrondir les angles (inutilement ?), quoique le message passe tout de même. En dehors de cela, tout concourt à transformer ce 23ème opus en méditation salutaire (purificatrice ?) avant de sortir prendre l'air et repartir à neuf.

ConFuCkamuS
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2020 et Les meilleurs films d'animation Pixar

Créée

le 29 déc. 2020

Critique lue 128 fois

ConFuCkamuS

Écrit par

Critique lue 128 fois

D'autres avis sur Soul

Soul
Samu-L
8

Soul Docter

Reprochez ce que vous voulez à Pixar, mais la firme à la lampe n'est pas dénuée à la fois d'ambition dans les histoires qu'elle veut raconter comme dans la manière dont elle les raconte ainsi que...

le 28 déc. 2020

92 j'aime

9

Soul
Moizi
7

Sans âme

J'attendais beaucoup de Soul, mais je dois dire qu'à l'arrivée j'ai surtout vu un film visuellement magnifique mais qui avait du mal à sortir des sentiers battus et à être thématiquement cohérent...

le 26 déc. 2020

76 j'aime

14

Soul
Daddy-Cool
4

La Mort dans l'Âme

Pas de résumé du film (donc pas de spoilers) ici car vous pouvez le trouver facilement ailleurs, y compris sur ce site. Juste quelques impressions jetées à la volée. Soul était très attendu des...

le 26 déc. 2020

61 j'aime

4

Du même critique

Dune
ConFuCkamuS
4

Anesthésie Spatiale

Peut-on partir avec un avantage si l'on décide d'aller voir l'adaptation d'une œuvre matrice dans la littérature ? Oui, en ne l'ayant pas lue. Il n'est pas toujours aisé de jongler entre...

le 15 sept. 2021

66 j'aime

8

I Care a Lot
ConFuCkamuS
4

Épigone Girl

Dur d'échapper à son rôle phare. Propulsée sur le devant de la scène avec le rôle d'Amy dans le d'ores et déjà classique Gone Girl réalisé par David Fincher, l'actrice Rosamund Pike n'a pas ménagé...

le 20 févr. 2021

60 j'aime

Les Trois Mousquetaires - Milady
ConFuCkamuS
3

Tous pour presque rien

Huit mois, ça peut être un vrai obstacle à la compréhension à l'ère du streaming et du binge-watching. Tout spécialement si vous vous lancez dans la suite d'un film pas très fameux, et que cette...

le 13 déc. 2023

56 j'aime

7