Sound City
7.7
Sound City

Documentaire de Dave Grohl et Mark Monroe (2013)

Welcome to Sky Valley, Rage Against The Machine, Rated R, Death Magnetic, Fletwood Mac, Holy Driver, Undertow, One Hot Minute, Wolfmother... des albums forcément connus par tout amateur de rock, certains sont même de véritables mythes. Tous ces disques ont une chose en commun : Soud City, le studio de Los Angeles dans lequel ils ont été enregistrés. Mais il y a un album en particuliers qui a motivé la création de ce film : Nevermind. Disque lui aussi mythique qui marqua les années 90 au fer rouge et qui fit basculer la vie de Dave Grohl, musicien hyperactif qui rajoute désormais la corde de réalisateur à son arc déjà bien chargé.

Sound City retrace donc la création du studio et son évolution au travers d'une pelleté d'interviews. Artistes, producteurs, techniciens, directeur de studio, ils sont là pour nous raconter les petites histoires qui ont écrit la grande Histoire du rock. Ambiance détendue, cadre familial, canettes de bières et boites de pizza entassés dans un coin, c'est un endroit cool par excellence. Le montage utilise assez peu d'images d'archives et passe surtout par les témoignages. Difficile de savoir si Grohl a fait le choix de volontairement écarter les archives ou si la nature bordélique de l'endroit fait qu'il n'y avait de toute façon personne avec un appareil photo lors des sessions. Rappelons aussi que dans les années 70 jusqu'au années 90 la mode des making of n'existait pas telle qu'on la connait aujourd'hui et que par conséquent les raisons de filmer un enregistrement étaient plus rares. C'est un peu dommage mais au final on s'en accommode. D'une part parce que les archives montrées ici sont rares mais toutes utiles et vraiment cool, comme cette session d'enregistrement avec un public des RATM. D'autre part car les témoignages sont bourrés d'anecdotes et s'articulent essentiellement sur la création musicale, ce qui reste tout de même le sujet central d'un film comme celui-ci. Apprendre comment le destin a réuni Fletwood Mac et Stevie Nicks à Sound City par exemple, ou bien comment différents artistes s'attachent à la batterie dans leur composition.

Mais ce qui faisait la réputation du studio c'était son son inimitable, son que l'on devait à la Neve 8028, rolls des consoles de mixage analogique. Le documentaire passe beaucoup de temps sur le son et les implications de chacun dans ce dernier. Au cours d'une brève interview du créateur de la console, Dave Grohl nous fait comprendre qu'il n'y comprend rien à toutes ces histoires de condensateurs. Pour lui, et pour le film, le plus important est que lorsque tu branches un groupe sur cette console, avec un bon ingénieur du son aux commandes tu obtiens un son magique. En axant le film de la sorte il arrive à nous faire rentrer dans la création musicale sans être trop technique ni trop bisounours. On sent bien la fascination de Grohl pour les autres musiciens avec un regard peut-être un peu trop naïf par moment, certes, mais duquel transpire une certaine sincérité et qui ne parasite pas pour autant la pertinence des propos.

Bien sûr on pourra tout de même se demander si insister autant sur ce tocard de Rick Springfield (pape du rock fm sans intérêt quasiment inconnu chez nous... pour de bonnes raisons) était nécessaire. L'homme a participé au succès du studio grâce aux ventes qu'il a engendré mais il n'en demeure pas moins l'artiste musicalement le moins intéressant de tout le film. A côté de Tom Petty, Trent Reznor, Rick Rubin ou Neil Young il fait un peu tâche dans le décor. Surtout qu'à côté certains autres sont sous-exploités, comme Josh Homme, qui a par exemple enregistré pas moins de 6 albums excellents avec Kyuss et les des Queens of The Stone Age à Sound City, dont on aurait aimé avoir un avis plus étoffé ou Lars Ulrich qui pour le coup n'apporte rien et c'est bien dommage.

Le film nous parle donc de musique faite avec les tripes, d'un studio au son génial mais sans filet, de ces moments qui transforment une mélodie fredonnée en potentiel tube ravageur, de cette façon de créer des chansons à l'opposée de l'auto-tune et de pro tools où tout peut-être rectifié, peaufiné. Une transition que n'a pas pris Sound City et qui entraînera sa fermeture sur le long terme. Un thème qu'on aurait aimé explorer peut-être avec un peu plus de profondeur et moins de violon. Si le discours de Trent Reznor sur le sujet est intéressant il est aussi un peu isolé. Mais là encore difficile de ne pas comprendre la nostalgie de ces artistes et techniciens à l'ancienne, surtout quand la bande son du film ne cesse de nous envoyer des chansons incroyables dans le oreilles. Grâce aux anecdotes et la volonté des intervenants de nous faire entrer dans leur processus créatif on se laisse emporter. On est bien plus dans l'affect que dans l'analyse mais au final qu'importe, on ne sent jamais floué ou manipulé. Côté mise en scène Dave Grohl, bien que réalisateur débutant, s'en tire bien. L'image est belle, le montage percutant et certains passages sont très inspirés, comme l'ouverture du film avec l'arrivée du technicien puis le voyage depuis Seattle jusqu'à Los Angeles.

La fin de l'histoire est connue : Sound City ne peut pas résister aux demandes du marché et doit fermer ses portres en 2011. C'est alors que Dave Grohl rachète la vieille Neve 8028 pour l'installer dans son studio 606, le fief des Foo Fighters. Cet évènement aurait pu être la fin de Sound City mais c'était sans compter sur Dave Grohl, le mec qui fait toujours dix milles trucs à la fois. Pour rendre hommage au son de Sound City il convoque un Boeuf géant autour de la table Neve. Josh Homme, Trent Reznor, Stevie Nicks, Brad Willks sont de retour ainsi que des nouveaux venus, n'ayant jamais enregistré à Sound City comme un certain Paul McCartney, sympathique artiste britannique promis à un grand avenir. C'est alors qu'on rentre dans de vrais sessions d'enregistrement, qu'on voit le matériau brut évoluer au fur et à mesure des remarques et contributions de chacun. Sound City est vivant essaye t'on de nous dire. En un sens ce n'est pas faux, surtout que l'album qui résulte de ces sessions, "Sound city : real to real" est plutôt pas mal dans son genre.

Mais c'est aussi à ce moment là qu'on sort un peu du film, paradoxalement. Les séquences sont chouettes et bien montées mais toute cette partie pur making of est bien trop longue. Elle occupe à elle seule un tiers entier du film, une grosse demie-heure qu'on prend plaisir à voir mais qui n'apporte pas grand chose à la promesse de départ : découvrir l'histoire de Sound City. La partie consacrée au studio à proprement parlé paraît donc trop courte, certaines périodes sont zappées et on aurait aimé en découvrir plus sur certains albums à peine évoqués.

Dave "Fucking" Grohl a voulu faire un film comme il fait sa musique : à l'instinct, avec ses tripes. Tout ceci se ressent et participe beaucoup à l'adhésion qu'on peut avoir à Sound City mais il n'en demeure pas moins qu'on rate le film définitif sur le sujet. On aurait par exemple voulu un peu plus de galère et d'engueulade, tout le monde est cool et positif, avec parfois des larmes pour attendrir mais ça sonne du coup trop propre, trop parfait... un peu comme le son numérique décrié par ce même film.
En voilà un sacré paradoxe.
Vnr-Herzog
7
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Créée

le 11 août 2013

Modifiée

le 11 août 2013

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