La qualité essentielle de Sous le ciel d’Alice réside dans son hybridité plastique et tonale : soucieuse de reconstituer non pas la réalité historique – aucunement reconstituable, de toute façon – mais la vision singulière formée puis transmise par sa grand-mère, la réalisatrice Chloé Mazlo se revendique de l’artifice comme autant de subterfuges à même de distancier le réel pour mieux le déconstruire et l’interroger. Nous ressentons ici l’influence de deux cinéastes, à savoir Wes Anderson et avant lui Éric Rohmer lorsqu’il composait L’Anglaise et le duc (2001) : la conception de miniatures, la projection de comédiens véritables dans des décors factices que le numérique habille, l’omniprésence de la musique qui rythme l’ensemble représentent sur le plan cinématographique la rencontre entre une étrangère (suisse) et un pays, redoublée alors par celle de des différents genres littéraires que sont le roman d’une vie et d’une époque, le théâtre et ses nombreuses mises en abyme – n’oublions pas le choix comme acteur principal du dramaturge Wajdi Mouawad –, la poésie puisque les dialogues témoignent d’une attention portée aux mots et à leur sonorité, le discours épistolaire enfin au vu des nombreuses lettres rédigées et lues. Une telle fraîcheur intégrée à ce récit d’apprentissage est d’autant plus appréciable qu’elle renouvelle à sa manière notre regard sur la guerre comme le ferait un conte à destination des enfants et des adultes en charge de sa transmission. Talent à suivre !